La décision était attendue depuis plusieurs jours. Jeudi, la Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA) s'est vu retirer son agrément bancaire par la Banque d'Algérie. Officiellement, la décision de la commission bancaire, instance de la Banque d'Algérie chargée du contrôle, justifie cette décision par une situation de manque de liquidités et d'insolvabilité de la BCIA. En réalité, la banque privée, implantée à Oran, est depuis quelques semaines au centre d'un important scandale financier qui implique plusieurs hommes d'affaires de la région oranaise. La BCIA est, en effet, soupçonnée par les autorités algériennes d'avoir facilité des opérations de fuite de capitaux. Dès l'éclatement de l'affaire, Ahmed Kherroubi, fondateur et président de la BCIA, avait tenté de minimiser les choses, en estimant qu'il s'agissait d'un simple différend commercial qui opposait son établissement à la Banque extérieure d'Algérie. Mais, les investigations menées par les enquêteurs algériens ont confirmé l'existence de plusieurs opérations frauduleuses impliquant la banque privée oranaise. Pis, cette dernière, qui a certifié de nombreux chèques sans provision, ne pouvait pas ignorer l'existence des magouilles mises à jour par les enquêteurs. Selon nos informations, c'est la Banque de France qui aurait alerté, au début de l'année 2003, les autorités algériennes sur cette affaire. Les autorités françaises, en regardant de près les statistiques sur les échanges entre la France et l'Algérie, avaient, en effet, constaté une différence entre la balance commerciale et celle des paiements. Après quelques semaines d'investigation, elles auraient découvert l'existence de plusieurs contrats commerciaux fictifs passés par des hommes d'affaires algériens avec des entreprises françaises. “Dans ce dossier, c'est l'Agence nationale algérienne de contrôle des investissements (ANDI) qui n'a pas fait son travail de contrôle. Certains projets ont été facturés à plus de dix fois leur coût réel”, révèle une source proche du dossier, qui a requis l'anonymat. Aujourd'hui, le patron de la BCIA, Ahmed Kherroubi, est soupçonné d'avoir fait sortir illégalement plusieurs dizaines de millions de dollars qui ont été déposés dans des comptes bancaires à l'étranger. Des sommes qui auraient servi essentiellement à l'achat de biens immobiliers et à des investissements un peu partout en Europe et dans les pays arabes. Cette nouvelle affaire est le deuxième scandale qui implique une banque privée en moins d'un an. Avant la BCIA, El Khalifa Bank avait été fermée par les autorités qui la soupçonnaient d'avoir permis des transferts illégaux d'importantes sommes d'argent vers l'étranger. Autant d'affaires qui commencent à avoir des conséquences néfastes sur les investissements étrangers en Algérie. Des organismes de crédit, comme la Coface, auraient déjà revu à la hausse le risque Algérie. Et plusieurs groupes étrangers ont donné des consignes claires à leurs représentants et cadres en Algérie : il ne faut plus accepter des chèques émis par les clients des banques privées algériennes. L. G.