Nicolas Sarkozy ambitionne de mieux faire que ses prédécesseurs, notamment Jacques Chirac, qui avait rassemblé à son sommet France-Afrique de 2007, à Cannes, 40 chefs d'Etat et de gouvernement. Lors de celui de Nice, aujourd'hui et demain, le Président français pense avoir une cinquantaine dont des invités de prestige, tels le Sud-Africain Jacob Zuma, le Nigérian Goodluck Jonathan, l'Egyptien Hosni Moubarak et le président Abdelaziz Bouteflika. Hormis Gbagbo de la Côte d'Ivoire et le Congolais Kabila, tous les chefs d'Etat francophones sont de la partie. Cerise sur le gâteau, le Rwandais Paul Kagamé y est aussi. Sarkozy a tout fait pour se réconcilier avec le Rwanda. Paris a même invité des mal élus : deux putschistes, le général Konaté et le commandant Salou Djibo, au prétexte que la Guinée et le Niger ont fixé un cadre de transition consensuel et une date pour les élections. L'Ethiopien Mélès Zenawi, dont la réélection est contestée par l'opposition, est de la fête aussi. Grands absents : le Soudanais Omar el-Béchir, poursuivi par la CPI, le Zimbabwéen Robert Mugabe, sous le coup de sanctions de l'Union européenne, et le Malgache Andry Rajoelina, faute de consensus dans son pays. De ce point de vue, Sarkozy marque bien que la Françafrique est loin d'être morte, comme il l'avait pourtant promis lors de sa campagne électorale. Pas de rupture donc et plus est encore un coup de pouce pour les autocrates. Exemples : au Gabon, la succession de Omar Bongo par son fils Ali a été favorisée et validée par la France et alors que les opposants ont parlé de fraudes. Idem au Congo, avec la réélection de Sassou Nguesso, en juillet 2009 malgré les nombreuses critiques émanant de l'opposition mais aussi de l'Union européenne, dénonçant le manque de fiabilité des listes électorales, la partialité de l'appareil administratif, ou encore l'absence de contrôle des urnes. En Mauritanie, la France n'avait rien trouvé à redire non plus au fait que le général putschiste Mohamed Ould Abdel Aziz, auteur du coup d'Etat contre le président “légitime” Sidi Ould Cheikh Abdallahi, en août 2008, se présente à l'élection présidentielle de juillet 2009. La diplomatie française a même exercé une pression pour pousser l'opposition à participer au scrutin… “On ne va pas se brouiller avec ceux qui nous rendent de grands services”, c'est de la bouche de l'influent secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, qui justifie la politique du président français, Nicolas Sarkozy, à l'égard de l'Afrique. Pas facile de se débarrasser des réseaux de la Françafrique, a-t-on essayé d'expliquer à l'Elysée où son locataire a vite découvert que son pays n'avait pas d'autres moyens pour préserver et favoriser les intérêts français que maintenir en l'état le système françafrique. une tonalité très business D'ailleurs, cette 25e messe franco-africaine se tient avec une tonalité très business. L'organisation annonce la participation de près de 230 entreprises africaines et françaises. Une façon de socialiser ce rendez-vous qui n'a pas toujours bonne presse. Quatre-vingts gros entrepreneurs français vont faire leur promotion auprès de 150 homologues africains. Petit détail : pour essayer de se défaire de l'image néocolonialiste de la Françafrique, Sarkozy a innové en conviant à participer aux travaux des organisations syndicales. Pour nombre d'observateurs, cette ouverture à l'économie et au social est la première de toute la sulfureuse histoire des sommets franco-africains. La cuvée 2010 se veut la meilleure de toutes avec la présence, outre de la cinquantaine d'Etats d'Afrique, des représentants de l'Union européenne, de l'Organisation internationale de la Francophonie, de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, de la Commission de l'Union africaine et de la Banque mondiale. L'agenda officiel de cette rencontre a prévu des échanges sur des thématiques liées à “la place de l'Afrique dans la gouvernance mondiale”, aux questions de sécurité, au climat et au développement. Ont été annoncés également des ateliers de réflexion sur l'environnement des affaires, le financement des entreprises en Afrique, la formation professionnelle, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, les sources d'énergie de demain et le rôle des migrants dans le développement des investissements privés en Afrique. Le président français nourrit l'ambition d'une plus grande France, une France qui se projette dans le monde grâce, entre autres, à sa position en Afrique. Dans l'esprit de plusieurs chefs d'Etat africains, la Françafrique reste un instrument irremplaçable de conservation du pouvoir, une garantie contre l'alternance démocratique, un gage de présidence à vie, voire une promesse de transmission héréditaire du pouvoir. La force de ces régimes est de parvenir à faire croire à la France qu'ils sont ses seuls alliés indéfectibles, à l'exclusion de leurs adversaires politiques opposants ou rebelles. La France y croit par commodité. Mais, cette France qui a été longtemps le partenaire privilégié de bon nombre de pays africains est aujourd'hui concurrencée non seulement par les Etats-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Russie mais aussi par les pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, à la recherche de matières premières mais aussi de nouveaux marchés pour leurs sociétés, même des Arabes du Golfe, à l'affût, comme les Asiatiques, de nouvelles terres pour la production agricole ou celle de biocarburants de nouvelle génération. D'autant plus que le marché africain représente désormais un milliard de personnes