Résumé : La crise économique menaçait le monde et la misère commençait à se faire sentir. Les fondateurs de l'imprimerie où travaillait Mouhoub avait légué leurs biens à des héritiers qui, en un clin d'œil, la menèrent vers la faillite… 65eme partie Mouhoub vacille. Il ne reviendra plus travailler dans ces locaux qui l'ont vu grandir et monter les échelons du succès un par un. Il se prit la tête entre les mains et l'image de ses enfants et de Yasmina s'afficha devant ses yeux. Que vont-ils devenir maintenant qu'il n'avait plus de travail ? Il repense à ses petites économies et se demande combien de temps il pourrait encore résister. Pourtant, un espoir naissait en lui. Avec ses bagages et son expérience, il pourrait peut-être dénicher un autre boulot dans une autre imprimerie, ou même dans une administration. On lui remet un certificat de travail et on le remercie pour ses loyaux services. Un petit chèque accompagnait une lettre de recommandation. Mouhoub ressortit des bureaux de l'imprimerie le cœur gros et les larmes aux yeux. Sur son chemin, il rencontre quelques collègues qui, comme lui, venaient d'être remerciés. L'homme ne savait plus quoi faire. Son bagage en main, il rentre à la maison et s'enferme un long moment dans sa chambre. Prenant sa plume, il se met à rédiger quelques demandes d'emploi qu'il posta le jour même. On était en 1930, et des usines pointaient partout à travers la France et l'Europe. Aura-t-il, avec un peu de chance, accès à une de ces administrations en gestation ? Avec son expérience, il pourrait peut-être trouver quelque chose et rapidement. Entre-temps, il avait télégraphié à Yasmina pour la prévenir que des affaires urgentes l'occupent et qu'elle ne devrait pas le rejoindre à Marseille avant qu'il ne lui fasse signe. Il avait peur que ses enfants souffrent de cette malchance qui s'abattait sur lui. Il préférait plutôt les maintenir à distance, sachant qu'ils ne manqueraient de rien chez leurs grands-parents. Des jours et des semaines passent sans qu'une réponse favorable pour un emploi parvienne à Mouhoub. Il marchait de longues heures, sans but précis, dans les quartiers de Marseille et découvrait chaque jour, un peu plus, la misère qui sévissait et qui, telle une chape de plomb, s'abattait sur les moyennes et petites bourses. Seuls quelques magnats gardaient la tête hors de l'eau et c'est sur ces derniers que Mouhoub comptait pour décrochait un poste de travail. En vain. Les promesses s'accumulaient, mais rien ne venait. Perdant espoir, Mouhoub ramasse quelques affaires personnelles de sa famille et quelques souvenirs, puis retirant toutes ses économies, il décida de rentrer au bled. Il savait au fond de lui-même que la vie de faste qu'il avait connue jusque-là était bel et bien terminée. Vite mise au courant par son mari, Yasmina est certes déçue, mais ne le montra point. Elle tenta par tous les moyens d'aider son mari et ira même jusqu'à lui proposer de travailler pour son père dans ses magasins. - Tu sais bien que mon père prend de l'âge et est dans l'incapacité de gérer tous ses biens. Mouhoub secoue la tête. - Non… Il a encore bon pied, bon œil pour continuer à gérer lui-même ses biens. Et puis, tes deux frères, Idir et Lounis, sont là pour l'épauler et l'aider. - Dis plutôt que c'est ta fierté qui parle pour toi. Mouhoub lui jette un regard meurtrier. - Heureusement que j'ai cette fierté Yasmina. Sinon, où en serais-je aujourd'hui ? À tendre peut-être la main dans les rues de Marseille ? - Ta ta ta… Tu sais bien que mon père t'aime bien, il sera heureux de t'avoir à ses côtés. Tu sauras traiter ses affaires commerciales et… - Le commerce d'aliments et d'épices ne me tente pas Yasmina. J'ai toujours travaillé dans des administrations. - Mais tu n'as plus le choix, mon cher mari. - Qui te dis que je ne trouverais pas quelque chose au niveau des administrations locales. - Hum… Je ne sais pas. Tente toujours ta chance. Mais la chance n'était plus de son côté. Mouhoub se présenta à des dizaines de bureaux sans pouvoir se faire recruter. Il avait déjà consommé ses économies et appréhendait le jour où il ne pourra plus subvenir aux besoins de sa famille. Yasmina l'aidait de son mieux. Elle avait réinscrit ses enfants dans une école et suivait leur scolarité minutieusement. À temps perdu, elle tentait de trouver une solution à la situation de son mari. Certes, pour le moment, ils ne manquaient de rien, car Mouhoub avait encore quelques économies qui leur permettaient de survivre. Mais jusqu'à quand ? Elle décida d'en discuter avec sa mère. Razika s'alarme. - Pourquoi n'as-tu rien dis ? Il fallait au moins en parler à ton père. - Non, maman. Mouhoub n'aimerait pas dépendre de qui que ce soit. - Mais comment pourra-t-on vous aider alors ? - Eh bien, j'aimerais que mon père nous aide autrement. Il pourra peut-être intervenir auprès de ses connaissances au port pour aider mon mari à décrocher un travail administratif. Mouhoub ne veut ni travailler avec mon père ni avec quiconque de la famille. Tu connais sa fierté. Y. H. (À suivre)