Résumé : Mouhoub est heureux. Sa femme venait de lui apprendre qu'ils seraient bientôt parents. Le moment était bien choisi par Yasmina, car cela avait atténué la colère de son mari… 63eme partie Mouhoub lui saisit les poignets. - Gare à toi, ne me cache jamais rien, petite écervelée. De toute manière, j'aurai fini par découvrir le pot aux roses. Il se tait, puis se met à rire. - Tu imagines Yasmina, nous serons les parents d'un gosse dans quelques mois. Moi qui pensait ne plus jamais connaître la joie d'une famille. - Pourquoi Mouhoub ? Le jeune homme pousse un long soupir avant de répondre. - Tu connais mon histoire. Quand j'ai quitté mes parents pour venir étudier à Marseille, je ne pensais pas que le destin allait se charger de donner une autre tournure à ma vie. Durant les premières années de mon absence, je n'ai pu avoir aucune nouvelle des miens. Puis, le jour où j'avais décidé de repartir au bled pour leur rendre visite, je n'ai trouvé plus personne. Ni mes parents ni mes frères. Jamais je n'aurai cru avoir encore le courage de mener ma propre vie en songeant que mes parents étaient peut-être morts sans m'avoir pardonné ma fugue. Yasmina compatissante se serre contre lui. - Ne parle plus du passé, mon chéri. Désormais, l'avenir nous appartient. Tu oublieras vite le passé avec la venue de ce premier gosse. Mouhoub la prend dans ses bras. - Ne t'amuse plus à courir les magasins et à faire des courses. Je vais m'occuper moi-même de tout. Tu songeras plutôt à te reposer et… - Chut, pas un mot de plus, Mouhoub. Je sais ce qui est bon ou mauvais pour mon état. Le médecin lui-même n'a pas été aussi ferme. Il m'a tout bonnement conseillé d'être prudente. Pas contre, il trouve que mes longues randonnées seraient plutôt bénéfiques. - Je n'en crois pas un mot. - Arrête donc Mouhoub. Tes conseils me sont précieux, mais je me sens assez solide pour mener ma grossesse à terme sans trop de mal. - C'est toi qui le dis petite chipie. - Oui. Rappelle-toi donc Fadhéla. N'a-t-elle pas fait des courses avec moi et marcher de longues heures à travers la ville jusqu'à son accouchement. Mouhoub hoche la tête. - Oui, mais sa grossesse était bien plus avancée que la tienne et… - Tais-toi, sinon je vais regretter de t'avoir annoncé cet heureux évènement. Elle s'enfuit à travers l'appartement alors que Mouhoub la prenait en chasse. Ils s'amusèrent un moment à se pourchasser, avant que Yasmina, n'en pouvant plus, s'arrête, essoufflée mais heureuse et comblée. 1920-1929 – UNE VIE HEUREUSE Le premier enfant de Yasmina et Mouhoub verra le jour un été de l'année 1920. C'était un beau garçon au teint mât, qui avait les traits de son père et les yeux verts de sa mère. Les parents sont aux anges. Ils le prénommèrent Malek et donnèrent une fête à laquelle ils convièrent leurs cousins et leurs amis. Fadhéla, qui avait déjà un petit garçon, et était enceinte pour la seconde fois, est toute remuée à la vue de ce bout chou dans les bras de sa mère. - Oh ! Yasmina, comme il est beau ! On dirait un petit prince. Fière comme une reine, Yasmina relève la tête pour lancer : - C'est un prince. Un véritable petit prince. Vois-tu, tout comme sa mère, il a déjà cet air hautain et fier. À coup sûr, il aura de la personnalité, mon fils. Elles rirent et malgré sa grande fatigue, Fadhéla aide Yasmina aux préparatifs de la fête et lui prodigue mille et un conseils pour élever son bébé dans les traditions. Mais Yasmina, qui avait déjà son idée sur l'éducation à donner à son fils, la rassure qu'elle saura très bien s'occuper du petit sans l'aide de qui que ce soit. Les mois passent. Malek grandissait à vu d'œil. À huit mois, il faisait ses premières dents et, deux mois plus tard, il s'initiait à la marche. Au bout de deux années, un second garçon vint agrandir la famille, puis un troisième et un quatrième. Farid, Sid-Ali, et Mustapha. Mouhoub est enchanté. Il n'a que des garçons et cela le stimule. Mais Yasmina voulait une fille et c'est pour cela qu'elle n'avait cessé durant six années d'espérer sa venue. Hélas ! La providence ne semblait pas propice à ses vœux, et cela la motiva pour mettre un frein à son espérance. Mouhoub, qui maintenant occupait le poste d'un haut responsable au sein de l'imprimerie, est un homme heureux. De temps à autre, il taquinait sa femme en lui rappelant qu'il avait de la chance d'avoir autant de petits bonhommes autour de lui qui sauraient la maintenir à distance au cas où l'envie de sortir travailler la reprendrait. (À suivre) Y. H.