L'acte I du projet de concorde nationale vient peut-être d'être exécuté avec le départ de Abassi Madani. Le mystère qui entourait le concept de concorde nationale, prolongement de la concorde civile, qui se résumait à l'immunité des terroristes revenus en société, devrait se dissiper avec les prochaines interventions de l'ancien chef du FIS dissous. La raison humanitaire de ce voyage, avancée par l'entourage du leader islamiste, n'est pas à écarter mais la première initiative du président de l'ex-FIS montre que l'ancien détenu n'a pas l'intention de se soumettre à quelque réserve. À peine arrivé au Qatar, Abassi a fait sa première déclaration à la chaîne de télévision Al Djazira. Sans se départir de son ton onctueux habituel, il a appelé les Algériens, “quels que soient leur idéologie, leur statut social et où qu'ils soient”, pour qu'ils se “mettent la main dans la main et coopèrent”. Le “où qu'ils soient” ne peut désigner que les dirigeants islamistes en exil. Et si Abassi Madani a choisi de se rendre en premier lieu, après l'escale de Doha, à Kuala Lumpur, c'est peut-être qu'il y a “de la famille” comme il le déclare mais, c'est peut-être aussi parce qu'y réside, entre autres islamistes algériens, un membre fondateur du FIS particulièrement actif, Tidjani Boudjelkha. L'étape suivante est, comme l'indique l'ancien dirigeant Guemmazi, l'Allemagne qui héberge un autre fondateur et dirigeant influent du parti islamiste : Rabah Kébir. La visite récente du président malais et les fréquents contacts entre Alger et Berlin imposés par l'affaire des otages ne sont probablement pas étrangers à ce début de circuit emprunté par la nouvelle vie de Abassi. Pour un voyage médical, le déplacement prend plutôt des allures de périple. Il est fort probable qu'une démarche pour la reconstitution de la direction du FIS dissous vient d'être entamée. La discrétion officielle sur le motif de la levée de contrainte de corps sur le dirigeant renforce l'hypothèse d'une entreprise politique plus qu'humanitaire. C'est connu, le pouvoir agit dans l'obscurité et ne révèle ses manœuvres qu'une fois le vin tiré et qu'il ne reste aux Algériens qu'à le boire. Ce silence qui, en théorie, vise à banaliser un déplacement du leader islamiste, parti se soigner, est justement significatif d'une inavouable arrière-pensée. Maintenant qu'on sait de quoi le régime Bouteflika est capable, il est bon de s'inquiéter de ces suspectes manœuvres. La piste terroriste s'est asséchée sans que ne tarissent les maquis islamistes. Il est possible que, malgré ou à cause de l'échec du compromis de grâce amnistiante, le président se lance à la recherche du réseau islamiste en exil. Avec l'obstination électoraliste qui prend le régime, le pire reste certainement à venir. M. H.