Le conférencier est revenu sur les principales étapes artistiques du peintre de la couleur, tout en insistant sur la problématique de l'espace qui est devenu émotionnel et non spatial chez Olivier Debré. Olivier Debré est un des peintres français qui appartient au courant artistique de la deuxième école de Paris (avec Matisse et Miro) et qui s'est illustré dans l'abstraction. Disparu en 1999, ses œuvres ornent actuellement les murs du Musée national d'art moderne et contemporain (MAMA), mais afin de rendre compte de la dimension humaine et esthétique de son œuvre, deux conférences seront organisées durant le mois de juin. La première s'est tenue avant-hier après-midi à Dar Abdellatif et a été animée par Patrick Le Nouëne, conservateur en chef des musées d'Angers et membre de l'Association internationale des critiques d'art (AICA). Le conférencier s'est intéressé à la problématique de l'espace dans l'œuvre d'Olivier Debré qui avait abandonné des études d'architecture, mais qui a été très influencé par les recherches en architecture dans les années 1940. Patrick Le Nouëne a entamé sa communication par une brève biographie du peintre de la couleur, avant de démontrer les principales étapes d'évolution de l'œuvre d'Olivier Debré. Outre l'omniprésence de la mort, notamment dans le tableau “les Deux Pendues” (1946), l'influence de Picasso s'est toujours manifestée dans les œuvres de Debré. D'ailleurs, les deux hommes se sont rencontrés en 1942 et en 1943. À travers une étude comparative avec les contemporains français d'Olivier Debré, Patrick Le Nouëne a abouti au postulat suivant : “Debré et Soulages sont les plus grands peintres de la deuxième moitié du XXe siècle.” Malgré l'inspiration de Picasso, Debré a réussi à se démarquer de celui-ci avec l'engagement, largement perceptible dans son œuvre picturale. “Le Crâne à Dachau est un tableau qui traite du retour des déportés en France, des cadavres, car les artistes ont essayé de transcrire, car ils ne pouvaient pas les représenter. Mais très peu d'artistes ont traité de ce sujet-là. En fait, la séparation entre Debré et Picasso, c'est l'engagement, ce dernier ayant peint des sujets assez anodins qui ne le mettent pas en difficulté”, explique l'orateur. M. Le Nouëne a estimé également que “le Crâne à Dachau” (1945) est la toile la plus extrême de Debré. Car “il n'y a plus l'envie de trouver un sujet, mais juste de noircir la page. Ce qui le rapproche de Soulages”. En outre, même s'il a toujours défendu son inspiration de Nicholas de Staël, l'œuvre d'Olivier Debré s'est beaucoup rapprochée de celui-ci durant sa période jazz. Avec son tableau, “Signe musicien chanteur” (1948), le peintre reviendra un peu en arrière, puisque sa toile se rapprochera un peu du cubisme. “Il se préoccupe de suggérer une figuration, ce qui va freiner un peu son évolution”, considère Patrick Le Nouëne. À partir de la moitié des années 1950, la carrière d'Olivier Debré va prendre un tournant décisif puisque les thèmes qu'il propose ne sont que des prétextes. Le vrai travail se fait sur la couleur. “Il y a moins de fioritures et une exaltation dans la couleur jusqu'à la couleur pour la couleur”, révèle-t-il. Les œuvres réalisées durant cette période annoncent, en fait, le travail de l'espace que Debré entamera au milieu des années 1960. Plus tard, l'artiste s'inspirera de l'émotion dans l'espace. “La création d'un espace qui n'est plus spatial mais émotionnel” sera la véritable préoccupation d'Olivier Debré qui réalisera des rideaux de scène pour la Comédie française, pour l'opéra de Hong Kong et celui de Shanghai. Ses questionnements artistiques se parachèvent grâce à ces réalisations. Et son œuvre, mondialement connue aujourd'hui, regorge d'humanisme.