Non, Monsieur le Chef du gouvernement ! Vous ne dites pas la vérité aux Algériens lorsque vous affirmez que la suspension des journaux est “une problématique (qui) se situe au niveau des relations économiques”. Vous ne dites pas la vérité aux Algériens en refusant de leur avouer que cette suspension a été prise sur votre instigation. Vous ne dites pas la vérité parce que vous et les différents départements ayant participé à la prise de cette décision avez délibérément ciblé six titres parce qu'ils dérangent. Et les autres, tous les autres titres qui ne paient pas ? Et tous ceux qui ont changé d'imprimerie en laissant derrière eux des ardoises faramineuses ? Soyons clairs : nous ne revendiquons pas la solidarité dans la cabale. Nous ne revendiquons pas la suspension des mauvais payeurs et de ceux qui ne paient jamais. Nous ne souhaitons pas accabler encore des journaux déjà affectés par un maigre succès. Mais de grâce, arrêtons l'hypocrisie ! Nous savons que le Chef du gouvernement ment lorsqu'il affirme que la suspension est dictée par des impératifs commerciaux. La honte ! Un Premier ministre, une poignée de ministres et un quarteron d'imprimeurs obligés de recourir au mensonge et à l'esbroufe pour maquiller une tentative de meurtre contre la presse ! Nous savons, nous l'avions dit dès la réception des mises en demeure, que cette affaire n'a rien d'économique parce que nous avons tous les chiffres. Nous avons tous les chiffres des journaux au niveau de toutes les imprimeries. Au centime près. Les dettes s'élèvent à plusieurs milliards. Nous n'avons pas l'intention de les divulguer. Il ne nous appartient pas de faire les brigadiers économiques et nous n'avons pas vocation à être des “balances”. Que le Chef du gouvernement ait l'audace de divulguer devant les députés de l'Assemblée toutes les dettes détenues auprès des imprimeries de l'Etat. On saura alors si la problématique obéit à des relations commerciales ou à des considérations de vengeance politique. Il eut été courageux de la part de Bouteflika et de Ouyahia de décréter une suspension politique contre nous. L'acte aurait eu le mérite de la clarté. Au lieu de cela, ils s'abritent derrière les imprimeurs pour perpétrer un acte lâche. Qu'ont-ils gagné ? Trois jours de suspension pour Liberté et neuf pour Le Matin en attendant le retour des autres confrères. Qu'ont-ils perdu ? Tout. L'honneur et la crédibilité. L'honneur, parce qu'un homme politique est d'abord celui qui assume publiquement ses actions, même dans la défaite. Regardez Tony Blair, Monsieur Ouyahia et prenez-en de la graine. Accusé par les médias d'avoir “gonflé” un dossier sur l'Irak, il s'enferme trois jours durant avec ses avocats avant d'aller s'expliquer devant la justice (lire page 24). Lorsque vous et les autres êtes soupçonnés d'être impliqués dans des scandales, vous tendez les bras pour couper les têtes. Décidément, la démocratie anglaise ne cessera pas de nous donner de grandes leçons. La crédibilité, parce qu'on ne gouverne pas un peuple par la tricherie et la couardise. On peut tromper quelques belles âmes en évoquant l'argument commercial, mais on ne peut pas tromper les chancelleries occidentales, les médias, les institutions internationales et les partenaires économiques de l'Algérie. Eux savent ce que vous savez. Eux savent qu'une présidence et un exécutif qui travestissent la réalité perdent le peu de crédit qui leur reste. Qui pourra encore vous croire, Monsieur ? Messieurs ? F. A.