Dans son dernier roman, l'auteure Adriana Lassel, connue aussi pour être spécialiste de l'histoire des Hispaniques en Algérie, nous plonge dans une histoire passionnante sans fioriture aucune. De tout temps, l'Algérie a été une terre de convoitise et/ou de refuge. Après la chute de l'Andalousie et la défaite des Arabes, beaucoup d'entre eux ont quitté l'Espagne soit pour sauver leur vie, soit pour fuir la pauvreté à la recherche de cieux plus cléments en Afrique du Nord. Il y eut aussi les Morisques (les musulmans d'Espagne convertis de gré ou de force au catholicisme à la suite des édits de conversion de 1502. Ils constituaient une minorité importante dans le Royaume de Valence, la vallée de l'Èbre et l'Andalousie orientale). Leur présence en Algérie a beaucoup influencé la vie sociale, économique et culturelle de ce pays au XVIe siècle. Toutefois, une présence presque méconnue. Et c'est ce à quoi s'est attelée l'auteure, Adriana Lassel, dans son tout nouveau livre un Parfum de vie, à travers son personnage principal Sadek Benamar, un professeur de littérature espagnole, passionné des textes aljamiados (des manuscrits écrits et laissés par les Arabes d'Andalousie) et tout ce qui concerne les Morisques. En un mot, un historien féru. Tout ce qui concerne l'Espagne et son histoire l'intéresse, surtout la période de la venue des Espagnols en Algérie. “Parmi le tas de textes aljamiados que j'ai trouvés, tous ramenés d'Espagne par les expulsés, j'en ai trouvé un, écrit à Alger, et dont le thème n'a rien à voir avec celui des autres : c'est un cri de douleur, une plainte déchirante qui lève le voile sur un chapitre de l'histoire de la Régence (…)”. (pages 7 et 8). Ces évènements se déroulent dans une Algérie en plein décennie noire. Une Algérie ravagée par l'intégrisme et l'obscurantisme. Une Algérie meurtrie, où, durant cette période, elle a vu ses enfants soit mourir pour un idéal très ambigu, soit partir vers l'inconnu pour sauver leur peau. Veuf et sans enfants, Sadek vit avec sa sœur, dans son monde, complètement déconnecté. Toutefois, il est vite rattrapé par son passé. Un passé qu'il croyait avoir oublié. Son amour de jeunesse : Hayet qu'il a connue à Blida, alors qu'il enseignait dans un lycée de la ville des Roses. Il reçoit les lettres que Hayet lui avait envoyées et des photos d'eux, qu'il croyait avoir perdues. Marié à cette époque, il ne pouvait rien lui promettre. Il la quitta sans crier gare. Il venait de perdre son épouse et d'obtenir un poste d'enseignant à la Faculté des lettres d'Alger. C'est sa quête et sa passion qui le mèneront sur les pas de son passé, sur la route de Blida. C'est ainsi qu'il ouvre son livre, celui de sa vie cachée, avec Hayet. Composé de trois parties, le roman un Parfum de vie est un sempiternel aller-retour entre le passé et le présent. Deux histoires qui se chevauchent. Celle de Sadek et Hayet ; celle de l'Algérie et son passé historique. Trois parties mélangeant les actions et les évènements sans pour autant dérouter. Passion oblige, l'auteure partage avec les lecteurs son univers : les Morisques, les aljamiados, les Espagnols à l'époque de la Régence. En fait, à chaque moment ou période précise dans la vie de ses deux personnages, la lumière jaillit sur un pan obscur des Hispaniques en Algérie. Un Parfum de vie, c'est le mélange de la réalité à de la fiction. L'auteure a opté pour le genre romanesque afin de décrypter des moments de l'histoire de l'Algérie. Avec son regard analytique, ce sont des situations d'un vécu connu de tous où malgré la crise traversée, l'amour a pu se frayer un chemin. Un Parfum de vie, d'Adriana Lassel, Thala éditions, roman, Alger 2010