Les actions d'amélioration du climat des affaires ne coûtent en général pas cher mais sont porteuses en retour d'externalités positives durables d'abord pour les entreprises, et ensuite pour l'économie nationale dans son ensemble. Aussi est-il intéressant, en référence à la courbe de Gauss, d'identifier les 20% d'items de l'ensemble des actions susceptibles d'être engagées qui permettraient une amélioration du climat des affaires à hauteur de 80%. Pour faire cet exercice, j'ai considéré que le livre From privilege to competition édité en décembre 2009 par la Banque mondiale, que m‘a fait parvenir son principal auteur, Najy Benhassine, économiste principal dans le département Maghreb et Moyen-Orient (Mena), en constitue une référence majeure. Pourquoi ? Essentiellement pour deux raisons. La première est qu'il dépasse largement le cadre annuel récurrent et souvent problématique parce que trop large des classiques “Doing business” portant sur plus de 175 pays. Qui trop embrasse mal étreint. En comparaison, ce livre ne porte que sur la douzaine de pays de la région Mena analysés de façon comparative. Il donne en plus un éclairage sur les pratiques de business, les contraintes ainsi que le positionnement de la région Mena par rapport aux autres zones économiques dans le monde en termes de gouvernance et d'efficacité économiques. Le deuxième intérêt est que l'ouvrage de Najy Benhassine s'appuie sur des données portant sur un trend plus long que celui des sept dernières années (2003-2009) donc plus significatif du point de la pertinence des évaluations comparatives et des propositions avancées. J'ai retenu un certain nombre de conclusions, concernant l'Algérie, qui font probablement partie du package des 20% d'actions dont j'ai parlé en introduction de nature à améliorer de 80% le climat des affaires. Ainsi un tableau relatif au temps dépensé par la direction des entreprises (“senior management”) de 10 pays de la région Mena pour traiter les questions réglementaires (“dealing with regulations”) est particulièrement édifiant pour l'Algérie. Avec 19,5% du temps passé, c'est l'Algérie malheureusement qui est en tête alors que l'une des meilleures performances est celle de la Jordanie avec 8,4% de temps alloué seulement. Des pays comme l'Arabie Saoudite (9,4%), l'Egypte (10,9%) et le Maroc (12,5%) sont meilleurs que nous de ce point de vue-là. D'ailleurs pour confirmer cela, certains milieux d'affaires européens nous disent également qu'ils ont la perception que la notion du temps est très relative chez nous. Diminuer le poids de la bureaucratie, simplifier et accélérer les procédures réglementaires au bénéfice des entreprises algériennes voila déjà un premier chantier utile et urgent à ouvrir. La deuxième conclusion qui a attiré mon attention est celle relative à la nature des contraintes principales signalées par le secteur privé algérien en 2003 et de 2005 à 2008. Commençons par les contraintes qui ne figurent pas chez nous et qui sont souvent citées dans les autres pays de la région Mena : instabilité du cadre macroéconomique, taxation fiscale et douanière par exemple. S'agissant des contraintes citées pour l'Algérie nous retrouvons : la corruption, les pratiques commerciales informelles et distorsions à la concurrence, accès au foncier, accès au crédit bancaire et enfin paradoxalement l'indisponibilité de l'électricité ! Si pour les deux premières contraintes citées les politiques et les chantiers en vue de leur diminution puis de leur éradication sont bien lancés par les pouvoirs publics, s'agissant des deux suivantes leur traitement définitif nécessite forcément le retour au dialogue : entre les pouvoirs publics et les représentations patronales pour l'une, ces dernières et la communauté bancaire pour l'autre. Mais cela suppose, pour reprendre les termes de Najy Benhassine, lors de la présentation de son livre à Tunis, “une plus grande représentativité au niveau des organisations patronales ainsi qu'une plus grande participation de celles-ci dans la conception de la réglementation économique”. Quant à la dernière contrainte, elle n'aurait simplement jamais dû exister. L'énergie est censée être pour l'Algérie un facteur compétitif. Il est difficilement concevable qu'avec tous les investissements réalisés dans cette branche (98% de couverture électrique du pays) et le faible prix supporté par les finances publiques, que la communauté des affaires se plaigne encore de la disponibilité et de la fiabilité de l'électricité à l'instar du Maroc, de la Syrie et de la Palestine. Je considère en tout cas que cette contrainte pourra être levée rapidement si ce n'est déjà fait. Affaire à suivre d'autant qu'il ne s'agit, m'a-t-on dit, que d'une question de fiabilité des réseaux et non de la disponibilité de l'électricité. S'agissant de la proportion des plaintes des investisseurs concernant les interprétations inconsistantes et imprévisibles des lois et des règlements (inconsistent and unpredictable), nous sommes moyens dans la région Mena avec une insatisfaction de 57,7%. Le pays qui a le meilleur score est l'Arabie Saoudite avec 21,5% de plaintes seulement, le Maroc (60%) et le Liban (66,6%) étant plus mauvais que nous. La modernisation engagée du secteur de la justice et la professionnalisation du corps spécifique des magistrats affectés au droit des affaires vont probablement améliorer notre classement dans ce domaine. Pour conclure, on voit bien que les coûts d'amélioration du climat des affaires sont infiniment plus faibles en comparaison avec les montants d'investissements publics programmés et même avec ceux des investissements productifs publics et privés prévus. Je crois que le jeu en vaut la chandelle, mais il faudra quand même bousculer certaines positions acquises.