Médaillé d'or aux derniers championnats du monde d'athlétisme de Paris, l'Algérien Guerni est devenu le nouveau roi du 800 m. C'est le seul athlète qui n'a pas déçu parmi la délégation algérienne. C'est une satisfaction en or. Pourtant, l'homme est resté humble et rappelle qu'il est revenu de loin. Il en parle dans cet entretien. LIBERTE : M. Guerni, vingt-quatre heures après votre consécration mondiale à Paris (entretien réalisé lundi soir), l'émotion doit être encore très forte, n'est-ce pas ? Djabir Saïd Guerni : Vous savez, j'ai l'impression de rêver. Un rêve fabuleux, fantastique. Non pas que je ne crois pas encore avoir gagné cette finale du 800 m, mais c'est tellement beau ce qui m'arrive après tant de peines et d'incertitudes. Vous savez, se voir, comme ça, sur la plus haute marche du podium alors qu' il n'y a pas si longtemps les médecins me disaient que c'était fini pour moi l'athlétisme, suite à ma grave blessure, c'est quelque chose qui vous apporte un bonheur si immense que... Mon bonheur est d'autant plus grand quand je sais que cette joie je la partage avec tout le peuple algérien et les Algériens résidants en France qui n'ont pas cessé de m'encourager. Sincèrement, vous y croyiez à un tel exploit ? En arrivant ici à Paris, je m'étais juré de monter sur le podium pour prouver à tout le monde que Guerni n'était pas fini. Ce serait mentir que d'avancer maintenant, après coup, que je visais l'or mais au fil de la compétition (les éliminatoires), j'ai retrouvé des sensations très favorables. Je me sentais bien et surtout d'attaque. Alors je me suis dit que c'était le moment de tenter le tout pour tout. Lors de la finale justement, j'étais tellement concentré sur la course que cela m'a transcendé, comme si j'étais porté aux nues. J'ai jeté toutes mes forces dans la bataille en puisant au fond de mes tripes et j'ai été récompensé. Alors, aujourd'hui, je dis oui, j'ai cru en mes chances de monter sur le podium. Je n'en ai jamais douté. Le courage que j'ai puisé dans une soufrance qui a duré plus de deux ans, m'a permis de me hisser encore plus haut. Revenant un peu à la course, si vous voulez bien. Quand on est à 200 m de la ligne d'arrivée, tout près du but, quelles images ont défilé dans votre tête ? Vous savez, quand vous courez à ce niveau de compétition, votre concentration tellement grande que vous ne voyez que la ligne d'arrivée. J'ai senti que j ‘avais un bon coup à jouer. J'ai tenté mon va-tout et ça a marché. Les images dont vous parlez défilaient à la fin de la course quand je cherchais dans le regard des gens quelque chose qui puisse me convaincre moi-même que j'ai effectivement gagné. C'est alors que je me suis remémoré tous ces moments de dures souffrances, ces moments insupportables de doute. J'ai repensé à mon père convalescent qui a toujours cru en moi, à ma famille qui m'a soutenu et à ma chère épouse qui a tant souffert avec moi. Tout se mélangeait dans ma tête comme dans un rêve extraordinaire. Vous n'êtes pas sans oublier aussi que le peuple algérien a également rêvé avec vous ? Non, je n'en ai pas douté un seul instant. Je sais que les Algériens sont restés braqués sur cet espoir de médaille. Dieu merci, ils n'ont pas été déçus. Je suis fier de leur apporter de la joie. Ils le méritent tellement. Le fait d'être le seul Algérien a été médaillé, c'est aussi un motif de fierté ? Je ne suis pas le seul Algérien à être médaillé. Il y a aussi Allek que je salue au passage. Ceci dit, ce qui me procure encore plus de fierté, c'est qu'avec cette médaille d'or, l'athlétisme algérien peut reprendre espoir. Je veux dire que cela peut servir d'exemple pour les jeunes athlètes qui arrivent et qui doivent croire en leurs chances jusqu'au bout. Je serai fière, comme l'ont été avant moi, les Morceli, Boulmerka, Benida… si demain tout le monde répète en chœur que si Guerni l'a fait, pourquoi pas nous ? Je ne pense pas qu'il faille blâmer nos athlètes à l'issue de cette participation au Mondial ça serait trop facile. Il faut encourager tous ces jeunes qui ne manquent pas de talent et de volonté pour que demain d'autres consécrations arrivent. Vous pourriez être, du coup, le leader d'une nouvelle génération… Être le leader dans une conjoncture où l'athlétisme algérien a besoin de resserrer les rangs, ne me dérange nullement. Je suis conscient que je peux pousser tous les jeunes vers l'avant. C'est même un devoir pour moi. M. Guerni, après cette médaille d'or aux championnat du monde, pensez-vous déjà aux jeux Olympiques d'Athènes ? Et comment ! Arracher la médaille d'or à Athènes sera mon prochain objectif. Mais je sais qu'il faudra que je travaille encore plus dur pour me maintenir à ce niveau. Le plus dur reste certainement à faire. S. B.