Le volet maternel pesa en vérité plus tard, dans les moments cruciaux, de tout son poids dans l'équilibre stratégique entre les deux puissances régionales, La Mecque hostile dans sa globalité à la nouvelle religion, pourtant prêchée par un des leurs, et ce malgré le volet paternel, d'un côté, et Yathrib, avec ses attaches maternelles, de l'autre, qui s'était montrée accueillante et ouverte. Il faut souligner toutefois que cette alliance ne s'était pas faite sur des bases strictement tribales, très fréquentes dans la presqu'île arabique, que le Prophète (P. et S. sur lui) avait, du reste, énergiquement dénoncée et rejetée, mais sur des arguments convaincants, la compréhension et le soutien d'une cause juste et la défense de la religion du juste prêchée par un des leurs. Lorsqu'on évoque Koraïch, l'on se réfère aux dignitaires qui avaient les rênes du pouvoir et avaient juré de tout faire pour faire échouer la mission de Mohamed, pourtant leur propre enfant, d'où l'expression que nul n'est prophète en son pays. Mais La Mecque a tout de même donné une poignée d'hommes et de femmes, les meilleurs et la crème, quelque 300 fidèles au total, à l'Islam, malgré la répression et le chantage, grâce au travail patient du Prophète durant plus de treize années de prédictions soutenues. Les cousins médinois et la bouffée d'oxygène N'empêche, la place des deux mères du Prophète, par le sang et le lait, Amina et Halima, toutes deux originaires de Médine, n'est pas étrange au ralliement massif des gens de Médine aux côtés du Prophète, considéré aussi comme leur enfant chéri et béni. La conclusion de l'accord scellant la solidarité à toute épreuve entre Ansar (médinois) et Mouhadjirine symbolisa ce soutien en marquant une étape nouvelle dans la Révélation et qui, en définitive, marqua le déclin de l'autorité des dignitaires koraïchites et, plus tard, leur défaite et leur capitulation, suivie par l'ouverture de La Mecque. Le rôle joué par ces deux dames a été, en définitive, décisif dans la défense et le soutien du Prophète et, partant, de l'Islam. Une première fois, elles l'avaient sauvé, alors bébé, des dangers de la vie dans les premières années difficiles. Sachant par les signes révélés que le bébé était destiné à une grande mission, elles redoublèrent de vigilance pour le protéger de tout mal en se mobilisant entièrement à sa cause. Une seconde fois, lorsque toute Médine et son peuple, les cousins maternels, s'étaient portés comme un seul homme à son secours face aux méchants Mecquois. Dieu avait promis de surprendre Koraïch là où elle s'y attendait le moins. Confiante et sûre d'elle, elle avait tenté d'imposer un blocus entier à La Mecque contre le Prophète pour le contraindre à renoncer au monothéisme et à la Révélation. La bouffée d'oxygène était venue, en effet, de Médine, la ville maternelle du Prophète, qui avait réagi comme dans un sursaut d'orgueil, à la surprise de la superbe Koraïch et à son grand désappointement et sa désolation. Du reste, c'est Allah, au fait de tout, qui ordonna au Prophète, le moment venu, d'y émigrer et d'y trouver refuge. L'hommage aux deux mères La mère Halima, qui ne cessa de suivre son enfant, apparut de nouveau dans la vie du Prophète lors des premières heures de sa venue à Médine en allant, elle et ses enfants Abdallah et Chaïma, la poétesse, à sa rencontre en ayant adopté l'Islam et en étant parmi les plus fervents défenseurs. L'hégire était pour elle sa propre victoire. Les victoires qui s'ensuivirent aussi. Dans un signe de reconnaissance, le Prophète (P et S sur lui) la rencontra sous le regard contemplatif et admiratif des compagnons en lui exprimant ses reconnaissances et sa gratitude. Quant à sa sœur Chaïma, célèbre aussi par sa voie céleste et ses chants religieux, elle décida de dédier tous ses poèmes nouveaux à son frère de lait et au triomphe de l'Islam. Une fois de retour à Médine, le Prophète se rendit sur la tombe de sa mère Amina, avec la permission de Dieu, en observant un silence mais sans prononcer de prière, en signe de respect pour sa mère, pourtant morte sans avoir embrassé l'Islam. Et voilà donc un aperçu succinct sur le rôle et la place des deux mères du Prophète (P. et S. sur lui), notamment pour Halima dont la tradition musulmane chante abondamment le mérite pour le soutien décisif du Prophète, ayant vécu orphelin et soutenu par des mères tendres et affectueuses. Là où les savants ont peut-être failli à leur mission, la tradition a comblé le vide. Les chants populaires sur Amina, Halima et sa fille Chaïma sont légendaires. Les orphelins et les mères Aussi bien le Coran que le hadith recommandent du bien pour les orphelins et les mères en prenant leur défense, mieux que quiconque. Le Prophète (P. et S. sur lui), fort de sa propre expérience, en donna l'exemple. Celui qui élève un orphelin convenablement devient un rapproché du Prophète et le Paradis est placé sous les pieds des mères. L'on attribue aussi au Prophète ce hadith qui conseille le choix des femmes en mariage : “Faites le bon choix en pensant aux cousins (maternels) de vos enfants.” Sans doute, son père Abdallah, qui était allé cherché Amina à mille lieux de La Mecque, en savait un bout. Quel courage et quelle vision pour ce père mort précocement, mais qui avait laissé un bon héritage inestimable pour son enfant. C'est indirectement le meilleur hommage à titre posthume à son père. Le Prophète a sans doute suivi l'exemple dans le choix de ses futures épouses, un choix noble et médité, comme on le verra lorsqu'il forma son propre harem, notre prochain thème. Un bébé est source de baraka. Grâce aussi à la tendresse des mères comme Amina et Halima, qui demeurent un exemple à suivre. Qui pouvait prédire que le bébé Mohamed, laissé à la merci d'une nourricière inconnue, était en vérité la clé du Paradis ? Tant qu'on prie pour lui, la vie durera encore et la fin du monde sera repoussée. S. B. Prochain article : Les épouses du Prophète Email : [email protected]