La Chine s'étant refusée d'exercer des pressions sur Kim Jong II, la conférence multilatérale qu'elle a abritée sur le chantage nucléaire exercé par la Corée du Nord ne pouvait s'achever qu'en queue de poisson. La question étant tout de même de la plus grande importance, les négociateurs (américains, sud coréens, japonais, russes, chinois et nord coréens) ont laissé leurs discussions ouvertes pour ne pas exacerber une crise nucléaire que tous souhaitent voir se régler au plus vite. Pékin, plus que les autres, verrait d'un mauvais œil un arsenal atomique à ses portes et qui, plus est, entre les mains d'un pouvoir incertain et décrié sur la scène internationale. Mais les autorités chinoises qui ont engagé une véritable course contre la montre pour terminer la modernisation de leur société et devenir la puissance du troisième millénaire, en repoussant la décision de mettre au pas Kim Jong II, visent à arracher des Américains d'autres concessions économiques et politiques avantageuses avant de basculer entièrement dans l'OMC. Les Américains savent, en effet, qu'ils ne peuvent pas prendre de mesures radicales contre la Corée du Nord sans l'appui de ses voisins. Si Bush a évacué de son esprit l'idée de représailles militaires contre Pyongyang, c'est que cette option extrême est contestée tant à Pékin qu'à Séoul et Tokyo où l'on estime qu'il faut plutôt mener avec le pays incriminé des négociations pour le contraindre au respect des normes internationales dans son programme nucléaire. La question est justement de remettre Pyongyang sous la surveillance des inspecteurs de l'Agence internationale (AIEA). Kim Jong II, qui a hérité de Kim II Sung, son père, la Corée du Nord, s'est évitée le vent de libéralisme qui a balayé le monde communiste après la chute du mur de Berlin, en prenant le parti de croiser le fer avec les Etats-Unis sur cette question. La crise a éclaté en 1994 lorsque la Corée du Nord déchargea du réacteur de Yongbyon des barres de combustible irradié contenant assez de plutonium pour fabriquer deux à trois bombes atomiques. La Maison-Blanche est à deux doigts de lui déclarer la guerre. Branle-bas diplomatique et, grâce aux pressions chinoises, le pire est évité. L'AIEA met les scellés sur le combustible irradié et surveilla l'installation. Clinton tenta ensuite de parvenir à un accord global avec Kim Jong II, lui proposant une aide économique en échange du gel de son programme atomique. Le maître de la Corée du Nord voulait plus : être reconnu par la Maison-Blanche dans la cour des grands. Le bras de fer reprend en 2002, Bush classant le pays dans la catégorie des Etats voyous. Le 27 décembre 2002, les inspecteurs de l'AIEA sont de nouveau expulsés par Kim Jong II qui, reprenant son programme, annonce le 10 janvier 2003 son retrait du Traité de non prolifération nucléaire (TPN). Mais, suivant les consignes chinoises, il s'est gardé jusqu'ici d'ouvrir les caissons scellés par l'AIEA. Kim Jong II exige des Américains qu'ils ratifient eux aussi le traité d'interdiction des essais nucléaires adopté par l'ONU en 1996. Avec la guerre en Irak et surtout devant le parapluie chinois, Bush abandonne son idée de guerre préventive contre Kim Jong II et accepte des négociations entre tous les voisins de la Corée du Nord. On dit que le recul de Bush aurait été également motivé par le fait qu'il n'a pas voulu indisposer son allié pakistanais dont la coopération nucléaire avec Pyongyang est un secret de Polichinelle. En 1998, les deux pays auraient conclu un accord prévoyant le transfert de missiles nord coréens à Islamabad en échange de la technologie paksitanaise d'enrichissement de l'uranium. La 3e conférence pour la mise en œuvre du TPN vient d'épingler à Vienne les Etats qui n'ont pas encore ratifié cette convention : l'Iran, Israël, l'Inde, le Pakistan, la Chine, la Corée du Nord et les Etats-Unis. D. B.