S'il y a eu tellement de mensonges sur l'histoire “proche” du pays, la faute incomberait aux Algériens eux-mêmes. C'est le constat établi par le sociologue Abdelmadjid Merdaci jeudi dernier, à la librairie de la rue Burdeau d'Alger-Centre, lors de la rencontre organisée par le quotidien Algérie News dans le cadre des “Mille et Une News”. Profitant du thème de la soirée “Le 20 Août et la question de l'écriture de l'histoire”, l'universitaire s'est montré critique à l'encontre des Algériens qu'il accuse d'avoir accepter “les mensonges” à propos de leur histoire “proche” en ajoutant qu'“ils avaient trouvé leur compte”. Selon Merdaci (qui est aussi historien) une bonne partie des Algériens “n'est pas portée par le désir de connaissance”. Actualité oblige, le livre de Saïd Sadi sur Amirouche et la polémique qu'il a suscitée, ne pouvait être occulté lors de cette soirée. Tout en affirmant que l'ouvrage “est un récit personnel et pas un travail d'historien”, l'invité a, néanmoins, précisé que “Sadi avait le droit de s'exprimer”. Se voulant plus explicite, il énonça sa “lecture” sur l'écriture de l'histoire. “Nous nous retrouvons dans une phase de la mise en avant du héros individuel qui est peut-être nécessaire, mais elle est transitoire”. Une phase dans laquelle il semble se mouvoir à l'aise. En effet, si Saïd Sadi a mis en avant Amirouche, Merdaci s'est, de son côté, longuement attardé tout au long de la soirée sur le “héros individuel” qu'était Zighoud Youcef (1921-1956). L'historien a ainsi insisté sur le fait que l'offensive du 20 Août 1955 dans le Nord constantinois a été l'œuvre essentiellement d'un seul homme, en l'occurrence Zighoud, “véritable architecte” de l'opération. D'ailleurs, s'il y avait un seul reproche à faire à l'universitaire, c'est surtout d'avoir voulu mettre toute l'offensive sur les épaules du colonel. Merdaci a également indiqué à maintes reprises que le 1er Novembre 1954 “était une insurrection et non une révolution”. Pour donner une idée sur l'importance de l'offensive, l'historien a indiqué, en s'appuyant sur les travaux d'autres collègues, à l'instar de Benjamin Stora, que “c'est en août 1955 que la France est entrée en guerre”. L'autre invité de la rencontre, le Pr Abdallah Boukhalkhal, recteur de l'université Emir-Abdelkader (Constantine), est allé dans le même sens. Il a essayé d'apporter une pointe personnelle en revenant sur la préparation de l'offensive dont la dernière réunion, déroulée le 19 août, s'était tenue dans la ferme de sa famille à Constantine. Même s'il s'est distingué par un discours dans la pure tradition “flniste” des années 70, le recteur a néanmoins rappelé les “erreurs de la Révolution”. Il y a ainsi le cas de Smaïl Ziket, “celui qui avait organisé l'offensive du 20 Août 1955 à Skikda”. Pour Boukhalkhal, “ce martyr a été exécuté par ses compères suite à une lettre envoyée par les services français et c'est après une réunion entre Zighoud Youcef, Benaouda et Bentobal que la décision a été prise de l'assassiner”. Mieux encore, l'intervenant a repris des propos qu'il aurait entendus de la bouche même de Bentobal et selon lesquels “dans la Révolution, on n'a pas de temps pour vérifier” ! L'autre rappel du recteur, concerne la grève de l'Ugema (Union générale des étudiants musulmans d'Algérie) du 19 mai 1958. “Elle a été déclenchée à l'annonce de l'assassinat par des Français d'un étudiant, Ferhat Hadjadj, qui était à l'université de Ben Aknoun, alors qu'il avait survécu à ses tortionnaires, il a été emprisonné jusqu'en 62”. Et d'ajouter : “D'ailleurs, il est toujours vivant”.