La chéchia et le mandole de H'Cicène étaient exposés sur une chaise tout au long de l'hommage. Son souvenir a été ravivé. Son patrimoine est donc préservé et son héritage protégé des frasques de l'oubli. Dans la perspective de revalorisation de notre patrimoine musical et des mythes fondateurs de notre culture populaire, et après avoir rendu hommage, l'an dernier, à hadj M'rizek, et plus récemment à Kamal Hammadi, l'association les Amis de la rampe Louni-Arezki (ex-rampe Vallée), en collaboration avec le commissariat du Festival national de la chanson chaâbi, a tenté de sauver de l'oubli, à l'espace Fadéla-Dziria de l'Institut national supérieur de musique (INSM), cheikh H'cicène, chanteur chaâbi, militant politique au sein du FLN (après avoir été membre du MTLD) et membre de la troupe artistique du FLN. Disparu en 1958, à la fleur de l'âge, 29 ans, H'cicène est enterré au cimetière Djelaz à Tunis. Cet hommage s'est articulé principalement autour de témoignages et de la musique. L'orchestre, dirigé par M. Beldjouzi, a entamé la soirée par une touchia. Cette belle entrée en matière a permis aux nombreux spectateurs de s'installer. Le chanteur Mustapha Boudechiche a ensuite pris place et interprété Noubate es-soltane. Il a cédé la scène à Ahcène Naït Zaïm de Tizi Ouzou, qui a repris quelques succès en kabyle de H'cicène, notamment Esteghfer ou khzou chitane et Tir el qafs. Lounès Aït Aoudia, président de l'association, a rejoint la scène après ces deux prestations et a expliqué que cet hommage est un acte de mémoire qui entre dans le cadre des résultats concrets de son association qui tend à ressusciter les grands hommes qui ont fait les beaux jours de la musique algérienne, notamment le chaâbi. M. Aït Aoudia a estimé également que “H'cicène est un repère de la mémoire”. Une mémoire écorchée avec une jeune génération qui ne connaît pas ses classiques, qui n'a pas suffisamment appris ses leçons, mais aussi avec une ancienne génération qui n'a pas su assurer la transmission. Et c'est au cœur de ce débat et de cette problématique que cette association, très active, s'inscrit. Ils militent et visent les jeunes en premier lieu. Les démarches et autres tentatives de l'association ont été laborieuses puisque, lors de cette soirée, un grand nombre de jeunes a répondu à l'appel. Abdelkader Bendamèche, spécialiste de la musique chaâbi, commissaire du Festival national de la chanson chaâbi et auteur, il y a quelques années, d'un ouvrage sur la troupe artistique du FLN, a synthétisé la vie de H'Cicène en quelques phrases. “Une figure importante qui a donné un nouveau visage à la chanson chaâbi. Ses parents ne se sont pas opposés au fait qu'il fasse partie du milieu artistique. Après avoir été influencé par hadj M'hamed El Anka, il a tourné son intérêt vers cheikh Khelifa Belkacem. Il se distinguait par sa très bonne mémoire, ce qui lui permettait de mémoriser les qsid sans recourir à l'écriture. Il a séjourné quelque temps à Paris et c'est là, qu'il rencontra le défunt Amraoui Missoum qui l'influencera. Il a rejoint en compagnie de Debbah Ali alias Allilou, le percussionniste, la troupe artistique du FLN”, a relaté M. Bendamèche. Il a également ajouté que “H'cicène était un être humble et facile à vivre”. Avant de quitter la scène, Abdelkader Bendamèche a appelé à ce que l'on rapatrie la sépulture de H'cicène. Place ensuite aux témoignages de cinq membres de la troupe artistique du FLN : Taha El Amiri, Mustapha Sahnoun, Sid-Ali Kouiret, Tahar Ben Ahmed et Brahim Derri (qui a lancé un appel pour qu'on ramène au pays la sépulture de Hadjira Bali, chanteuse et épouse de Boualem Raïs, également enterrée en Tunisie), et de deux membres de l'équipe de la légendaire équipe de football du FLN, notamment Mohamed Maouche et Krimo Rebih. Les descriptions et autres anecdotes de ces témoins ont révélé à l'assistance un homme ordinaire en la personne de H'cicène, mais qui a eu un parcours extraordinaire. Ils ont rappelé ses qualités humaines : modestie, humour, perspicacité et passion. Un événement cocasse s'est produit entre Sid-Ali Kouiret et Krimo Rebih. Alors que le premier affirmait que Mustapha Kateb avait initié, en 1951, le Festival mondial de la jeunesse de Varsovie, le second jurait qu'il avait eu lieu en 1955. Après vérification, nous avons confirmé que c'était en 1955. La famille de H'cicène a ensuite rejoint la scène, accompagnée de l'attachée culturelle à l'ambassade de Tunisie à Alger, pour une photo de famille. Par ailleurs, le Festival national de la chanson chaâbi, dans sa cinquième édition qui se tiendra, cette année, du 25 au 31 août, rendra également hommage à H'cicène, ainsi qu'à deux maîtres du genre : cheikh el Hadj Boudjemaâ El Ankis et Maâzouz Bouadjedj.