Bouteflika agissait et continue d'agir sciemment dans le cadre d'une véritable stratégie de démantèlement de la démocratie et du pluralisme. Il est sans doute temps qu'un bilan sérieux et sincère soit dressé de l'action du président de la République durant le mandat qui s'achève. Il faut, pour ce faire, qu'un débat public, large et transparent soit enclenché. En attendant, et pour contourner les diversions en cours, qui visent à empêcher un tel débat, on peut méditer, entre autres, l'état actuel de la coalition gouvernementale. Il peut être significatif à plus d'un titre. Rappelons, de prime abord, que la “formule” date du temps de Liamine Zeroual et qu'elle avait été adoptée au lendemain des élections législatives du 5 juin 1997. En 1999, le “candidat du consensus”, devenu Président, n'allait certainement pas remettre en cause une équipe gouvernementale transpartisane alors même qu'il prônait “la réconciliation entre tous les Algériens”. Mieux, il réussit au bout de huit mois à élargir la coalition et à la marquer de son empreinte, en y ajoutant des ministres issus de formations démocratiques qui, jusque-là, s'y étaient refusé. Mais Bouteflika n'allait pas tarder à se révéler réfractaire à assumer dans l'action les réformes qu'il avait promises et sur la base desquelles les partis de la mouvance démocratique avaient accepté de siéger au gouvernement. Comme candidat, puis comme chef de l'Etat, il n'avait eu de cesse, en effet, de vouloir brasser large et cela l'amenait systématiquement à s'engager pour une option, puis pour l'option inverse, sans jamais en concrétiser aucune. Bouteflika pensait sans doute que la présence d'un parti au sein du gouvernement ne l'engageait pas plus qu'elle n'engageait, croyait-il, le parti lui-même. Qu'on ne s'y trompe pas, le Président ne commettait pas ainsi une erreur que lui aurait inspirée une conception biaisée de la gouvernance dans une démocratie pluraliste. Il agissait et continue d'agir sciemment dans le cadre d'une véritable stratégie de démantèlement de la démocratie et du pluralisme : en confinant les partis siégeant au gouvernement à un rôle de figurant et en étouffant les voix de ceux restés dans l'opposition. aujourd'hui, le résultat est là : plusieurs partis ont dû quitter ladite coalition. Le FLN lui-même ne s'en accommode plus. Bouteflika a-t-il pour autant réussi à disqualifier le pluralisme et le multipartisme en Algérie ? Non, il démontre tout juste qu'en 1999, il tombait comme “un cheveu dans la soupe”, en héritant des plus hautes fonctions dans un pays engagé dans un processus démocratique. Alors, le pays doit-il revoir ses ambitions à la baisse pour satisfaire les tendances régaliennes d'un homme chaque jour un peu plus isolé ? S. C.