Comme attendu, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé une révision partielle de la Constitution sans pour autant abandonner l'idée d'un toilettage plus profond du texte fondamental, dans une étape ultérieure, par le biais d'un référendum. Selon ses propres termes, il recourt «pour l'instant aux dispositions de l'article 176 de la Constitution, éloignant l'idée de la révision constitutionnelle par voie référendaire, mais sans pour autant l'abandonner». Adepte d'une approche par paliers, le chef de l'Etat veut donc procéder à une révision en deux temps, avec la double détente propre à un athlète de «double saut». La première étape de la révision, présentée comme «un enrichissement du système institutionnel», est placée sous le signe de la «stabilité», de «l'efficacité» et de «la continuité». La seconde portera sur des ajustements plus profonds qui nécessiteront l'appel au peuple auquel appartient en dernier ressort le pouvoir constitutionnel, comme le stipule la Constitution non encore amendée. Le président de la République en est convaincu : «La véritable alternance au pouvoir émane du libre choix du peuple lui-même lorsqu'il est consulté en toute démocratie et en toute transparence au travers d'élections libres et pluralistes.» La révision constitutionnelle annoncée par le président Abdelaziz Bouteflika, et dont le calendrier n'est pas encore précisé, porte sur trois points. Le premier concerne «la protection des symboles de la glorieuse Révolution [de novembre 1954] devenus aujourd'hui les symboles de la république». Ces «symboles» sont contenus dans «l'Appel au peuple algérien» émanant du «secrétariat général du Front de libération nationale», le premier novembre 1954. Ils sont relatifs à «l'Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques». Ainsi défini, cet Etat est fondé sur «le respect des libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions». Il s'agit donc de graver dans le marbre constitutionnel ces symboles qui représentent un «héritage éternel pour l'ensemble de la nation afin que nul ne puisse y toucher, les altérer ou les manipuler». D'ailleurs, le chef de l'Etat le précise : il est bien question de leur «conférer la place constitutionnelle qui leur est due». Le deuxième point a trait à l'Exécutif qui, d'une certaine façon, a fonctionné jusqu'ici comme une dyarchie qui ne disait pas toujours son nom. D'où cette tradition institutionnelle bien algérienne qui veut que le numéro deux de l'Exécutif soit plus un chef de gouvernement qu'un Premier ministre. Il s'agit alors, précisément, de clarifier les champs d'intervention du président de la République et du chef du gouvernement en définissant les profils de poste de l'un et de l'autre. D'où une prochaine «réorganisation», des «précisions» et une «clarification» des prérogatives et du rapport entre ce que le chef de l'Etat appelle, par euphémisme, «les constituants du pouvoir exécutif». Telle qu'exprimée, la conviction du président Abdelaziz Bouteflika est de disposer, demain, d'un Exécutif «fort, uni et cohérent», ce qui ne semble pas avoir été le cas jusqu'à présent. L'objectif est donc d'éviter l'existence de «dualités et les contradictions, et de dépasser les effets négatifs induits par l'incapacité à coordonner certains programmes», notamment ceux qui relèvent de choix présidentiels. Surtout, de permettre de «décider avec célérité et efficacité». Ainsi pointés, les inconvénients du bicéphalisme exécutif avaient notamment pour conséquences la «dilution des responsabilités» et «le chevauchement des décisions induisant un retard dans l'exécution de programmes et la réalisation de nos projets». Sans qu'il soit énoncé de manière explicite, le troisième point concerne finalement l'article 74 de la Constitution relatif au nombre et à la durée des mandats présidentiels. Avec un art consommé de la litote, le chef de l'Etat indique qu'il s'agirait alors de «permettre au peuple d'exercer un droit légitime à choisir ses gouvernants et à leur renouveler sa confiance en toute souveraineté, tant il est vrai que nul n'a le droit de limiter la liberté du peuple dans l'expression de sa volonté». En disant moins pour en suggérer plus, le président Abdelaziz Bouteflika semble indiquer que le nombre de mandats ne serait plus limité et que la durée pourrait ne plus être de cinq ans. Retour à la case départ, c'est-à-dire à la Constitution de 1989 ? Une possibilité, mieux, une forte probabilité. S'agissant de la modification en profondeur de l'architecture du pouvoir et de la nature même du régime algérien, le chef de l'Etat s'exprime plus dans le non-dit. Le régime, fondé sur un système hybride mélangeant parlementarisme et présidentialisme, est caractérisé par cette ambiguïté propre à l'Exécutif que le Président désigne par le vocable «dualité». Gageons alors qu'il serait ultérieurement réformé dans le sens d'une présidentialisation dont les contours seraient plus nets et plus clairs. Enfin, et il faut sans doute s'en féliciter et s'en réjouir, la toute prochaine modification constitutionnelle viserait à assurer une meilleure représentation politique des femmes. Donc, à leur assurer plus de visibilité dans des instances élues où leur présence est anecdotique face à une domination masculine outrageuse. Sans parier sur l'inscription de la parité dans la loi fondamentale, il faudrait probablement s'attendre à une définition de quotas qui serait notamment imposés aux partis politiques. N. K.