Liberté : L'actualité du football national est polarisée par le départ de Saâdane, on suppose que vous suivez avec le plus grand intérêt l'évolution de la situation ? Rabah Madjer : C'est sûr, je n'ai jamais changé mes habitudes : j'étais et je suis toujours à l'écoute de tout ce qui se passe autour de l'équipe nationale et de son parcours. C'est vrai que le départ de Rabah Saâdane fait l'actualité, mais que voulez-vous que je vous dise ? La vie de l'entraîneur est ainsi faite, il est otage des résultats de l'équipe. En Algérie, on n'échappe pas à cette règle, les gens ont le droit de rêver et veulent toujours plus, de meilleurs résultats quoi ! Mais vous avez certainement un avis, une analyse à faire par rapport à ce qui s'est passé ? La responsabilité doit être partagée entre joueurs et staff technique. il ne faut pas blâmer uniquement l'entraîneur qui prépare, durant toute la semaine, avec toute la rigueur qu'il faut, sa rencontre. le jour du match, ce sont les joueurs qui ont le plus de responsabilité ; ils doivent respecter la tactique, les consignes. Donc, la responsabilité revient à eux sur le terrain. Vous ne pensez pas qu'avant le mondial Saâdane avait un groupe plus motivé qu'après la coupe du monde ? Vous avez complètement raison ! ce n'est pas du tout le même état d'esprit qui avait régné avant la coupe du monde. je pense que les joueurs ont eu la grosse tête. c'est ce qui explique cette décadence de l'équipe. Dès la fin de cette compétition, certains ont dit que ça y est, on est arrivé, alors que c'est complètement faux, car le plus dur, c'est de se maintenir à un rang élevé. c'est ce que certains joueurs n'ont pas compris et sont tombés dans l'autosatisfaction. Il faut toujours garder les pieds sur terre et continuer à travailler ; il faut respecter l'adversaire sur le terrain quel que soit son niveau et son nom. il ne faut jamais le sous-estimer. Vous savez, l'état d'esprit constitue la force de frappe de l'équipe, si vous le perdiez, vous n'auriez plus la même force, c'est ce qui s'est passé avec notre équipe. elle a perdu la motivation qui a fait sa force lors des éliminatoires pour le mondial. Pourtant, nous avons déjà tiré la sonnette d'alarme à l'époque, lorsque l'équipe avait perdu face à la Serbie, puis le Gabon et enfin la Tanzanie qui était capable même de nous battre chez nous. Fallait-il donc apporter un sang nouveau après le mondial pour que l'équipe puisse maintenir le même état d'esprit ? Je suis sûr et certain que Saâdane a fait tout son possible, il faut lui tirer chapeau pour tout le bon travail qu'il a réalisé. il y avait toutefois d'autres facteurs exogènes qui ont influé négativement sur l'équipe. À mon avis, il fallait une discipline et une rigueur au sein du groupe. Pour insuffler un sang nouveau, il faut impérativement une rude concurrence en donnant la chance au joueur local de prouver ce dont il est capable. À mon avis, c'est ce qu'il faut faire pour instaurer un équilibre au sein de la sélection. Je ne vous apprends rien, la concurrence stimule davantage le groupe. L'erreur était de marginaliser complètement le produit local. il faut revenir vers les joueurs locaux et leur donner la chance au même titre que les autres joueurs professionnels. Il faut changer de politique vis-à-vis d'eux et créer une concurrence loyale afin de ne pas léser une partie au détriment de l'autre. il faut aussi un respect mutuel au sein de l'équipe entre le joueur et l'entraîneur ; personne n'a le droit d'imposer quoi que ce soit à l'équipe et à l'entraîneur. Certains joueurs professionnels nous ont laissés sur notre faim à l'image de Medhi Lacen que vous avez défendu bec et ongles pour qu'il rejoigne les Verts… Lacen dispose de grandes potentialités. malheureusement, pour des raisons que j'ignore, il les a pas mises à la disposition de l'équipe lors du mondial. je suis stupéfait, moi aussi, par ses prestations qui étaient loin de son niveau habituel. Pourquoi d'après vous ? La faute n'incombe pas uniquement à lui, elle incombe aussi à toute l'équipe qui n'a pas marché. Malgré ce ratage, Lacen reste un atout majeur pour l'équipe nationale. L'absence de Mourad Meghni a-t-elle pesé sur le rendement de l'équipe ? Je vous l'ai dit, c'est toute l'équipe qui n'a pas bien marché. Il est vrai qu'il a laissé un vide dans l'équipe, mais ce n'est pas uniquement un ou deux joueurs qui ont failli, c'est tout le groupe. Moi, par exemple, je suis sidéré par la manière avec laquelle Yazid Mansouri a été traité, voire écarté du groupe lors du mondial, alors qu'il jouissait de statut du capitaine d'équipe et titulaire depuis une dizaine d'années. Mais à la dernière minute, on s'est subitement aperçu qu'il n'est pas bon. Le pire est qu'on ne lui a même pas donné dix minutes pour qu'il puisse jouer un mondial et étoffer par là même son CV. je le dis, ils n'ont pas été corrects avec lui, pourtant il a beaucoup donné à cette équipe nationale, c'est un garçon qui mérite une sortie plus honorable ; il s'est toujours montré disponible pour l'EN au moment où certains lui tournaient le dos. Ce n'est pas juste ce qu'ils ont fait avec ce joueur exemplaire. Votre nom est cité partout comme éventuel successeur de Saâdane... Qu'en est-il à votre avis ? Je suis gêné lorsqu'on évoque avec moi le sujet de la barre technique de l'équipe nationale. je me retrouve dans une position inconfortable ; les gens interprètent mal mes propos. je préfère alors ne rien dire à ce sujet. Laissez-moi saisir cette aubaine pour remercier le public algérien qui a toujours confiance en moi. La réponse ne viendra pas de Rabah Madjer. Sincèrement, êtes-vous candidat pour le poste de sélectionneur national ? Excusez-moi, je ne peux pas répondre à cette question.