L'Afrique institutionnelle a célébré mardi, pour la première fois, la Journée de la paix. En soi, c'est le signe que les conflits, tensions et troubles entre Etats ont diminué. C'est une victoire dont n'a pas manqué de s'enorgueillir l'Union africaine, et à juste titre. Cependant pour ce qui concerne la démocratie, le continent est toujours à la traîne. Les normes universelles de gouvernance et d'alternance au pouvoir ne s'y appliquent pas. Au mieux, les régimes africains n'ont retenu de la démocratie que des règles procédurières. Une présidence élue au suffrage universelle mais dont le vainqueur, connu d'avance, a tôt fait de réviser la Constitution pour s'établir un pouvoir à vie, un Parlement sans prérogatives et au service de l'exécutif et pas de contre-pouvoir, voilà ce qui caractérise le pouvoir en Afrique. D'ailleurs, il n'est pas anodin que le continent continue à vivre des coups d'Etat. Pourtant, dans les années 1990, dans la foulée de la chute du mur de Berlin, les peuples africains avaient eux aussi “goûté” aux plaisirs du pluralisme et ont rêvé de libertés. Ils devaient vite déchanter et se rendre compte que les élections dites pluralistes, qui s'enchaînent sur leur continent ne garantissent pas de progrès démocratique durable. Et retour à la case départ avec un pouvoir totalitaire et omniprésent avec même l'onction un multipartisme transformé en véritable parodie. L'opposition, quand elle n'a pas été réduite à une peau de chagrin, est accusée de fomenter des troubles et d'atteintes à la souveraineté nationale. Lorsqu'elle finit par s'affirmer par la voie des urnes et, généralement, au prix de guerres civiles, comme au Kenya et au Zimbabwe, l'opposition doit mettre de l'eau dans son vin et se contenter de simples strapontins ! Dans ces deux pays, les armées ont choisi le camp présidentiel, ne tenant pas du tout compte des vœux et penchants politiques des électeurs. Et les situations se sont d'autant plus compliquées que les régimes en Afrique ne sont pas des régimes parlementaires. Ce sont des systèmes présidentiels mais sans contre-pouvoir, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis. En 2010-2011, une dizaine de scrutins présidentiels et législatifs sont programmés en Afrique sub-saharienne, au Burkina, Niger, Nigeria, en République démocratique du Congo mais aussi à Madagascar et en Côte d'Ivoire, deux pays enfoncés dans de graves crises et où les élections ont été maintes fois reportées. La Guinée devait ouvrir cette série le 19 septembre mais des violences entre partisans des candidats en lice a fait avorter ce qui était annoncé comme le premier scrutin libre dans cette ex-colonie française. Des heurts post-électoraux sont annoncés dans le pays. Ainsi donc, la lutte pour la démocratie est loin d'être gagnée en Afrique.La corruption électorale se situe en droite ligne des pratiques coloniales des années 50 et aujourd'hui, des successions de père en fils se multiplient, comme en RD Congo et au Gabon. Dans bien des cas, l'organisation de scrutins apparaît comme une légitimation de coups de force, comme en Mauritanie, au Niger ou en Centrafrique. Même le Sénégal, qui n'a pas connu de coup d'Etat et qui a constitué dans les années 1980/1990, un exemple de transition politique, est aussi guetté par la tentation de république monarchique. Le président Wade caresse le rêve d'installer à sa place son fils Karim ! À se demander si l'Afrique est jeune pour voir se réaliser chez elle ces alternances entre pouvoir et opposition qui attribuent aux élections leurs vertus démocratiques ? Pour l'heure, seul le petit Ghana reste une exception, la seule, sur le continent. L'ancien président est parti au bout de deux mandats et son parti a passé la main à son ex-rival, sans susciter d'esprit de revanche dans le pays. En Afrique du Sud, l'ex-président M'beki est lui aussi parti après deux mandats mais sa succession a été réglé au millimètre par l'ANC, le parti de Nelson Mandela. Certains présidents au règne long ont expliqué que la démocratie version universelle achoppe sur “des questions culturelles” ! Ce que certains chercheurs ont appelé “droits sociaux”, c'est-à-dire que l'analphabétisme et le sous-développement rendent impossibles de vraies élections ? C'est tiré par les cheveux. La raison est à rechercher plutôt dans la nature des régimes accrochés au pouvoir, qui versent dans l'autoritarisme et qui excellent dans l'insémination de la confusion dans les esprits de leurs administrés. Une note optimiste. À l'occasion de la Journée de la paix, de jeunes collégiens algériens interrogés par la Chaîne III ont assimilé paix avec libertés et tolérance.