Les Oranais mettent en général 30 minutes pour rompre le repas du “f'tour”, passer aux “routoubet” et autres “halawiyates” et sortir enfin de table. Le dernier morceau de zlabia est à peine avalé qu'ils remettent aussitôt le couvert. Souvent entre bandes de copains. Au fond d'un salon de thé. Là, on s'occupe comme on peut en tuant le temps. Et pour ce qui est de casser du sucre sur le prochain, les langues de vipère passent allégrement du “kalb el louz” au venin. Dehors, les rues prennent des couleurs et s'animent comme un manège bien rodé.Les cafés font de la surchauffe et les lieux du culte affichent complet.Le Front de mer n'est qu'une succession de “ice cream” à vous dégoûter des glaces et de leurs cornets. Quant aux salles de spectacles il n'y en a pas. Elles ont toutes été transformées en cyber et en taxiphones en attendant un jour de servir de douches. Et pourtant, dans cette même ville et à cette même époque les cinémas proposaient il ya 46 ans, je dis bien 46 ans : Jason et les argonautes au Colisée, La bataille de Bloody beach au Century, La bataille des Thermopyles au Mogador, Le jugement dernier au Lynix, Hikayat hoob avec Abdelhalim Hafez et Meriem Fakhreddine à l'Escurial, Au fil de l'épée au Balzac, La corde de Alfred Hitchkok au Club, La maison du diable à l'Empire, Les filles sèment le vent au George V, Youm bila ghad à l'Eldorado, Dans la souricière un western avec Richard Widmark au Pigalle et à l'Opéra, les chants et danses de la République populaire de Chine. Et pour ceux qui ont des doutes, je les invite a feuilleter le journal La République du mercredi 1er juillet 1964. Ils seront surpris par la qualité culturelle d'une ville qui faisait à peine 400 000 habitants.Le comique qui a inventé l'expression “régression positive” n'est en fait qu'un bouffon de foire. M. M.