Cette solution extrême paraît, cependant, dans le contexte actuel, invraisemblable aux yeux des députés. Suspendue comme l'épée de Damoclès sur les parlementaires, la menace de dissolution de la Chambre basse du Parlement évoquée par Ahmed Ouyahia et que son plus proche lieutenant, Miloud Chorfi, s'est empressé de relayer ne semble pas convaincre beaucoup de formations politiques siégeant à l'hémicycle. Si, à l'unanimité, ces élus relèvent que la Constitution confère au président de la République la prérogative de recourir à cette solution extrême, il n'en demeure pas moins qu'aux yeux de bon nombre de partis, elle paraît invraisemblable dans le contexte actuel. Du moins dans l'absolu et pour au moins une raison : le risque d'entraîner le pays dans une crise institutionnelle majeure. Pour le député du PT, Abdelkader Groucène, “la Constitution permet au Président de dissoudre l'APN, mais, il est clair qu'avec ce qui se passe aujourd'hui sur la scène politique, cette éventualité va immanquablement plonger le pays dans une crise institutionnelle”. En effet, l'article 129 de la Constitution stipule clairement que “le président de l'Assemblée populaire nationale, le président du Conseil de la nation et le Chef du gouvernement consultés, le président de la République peut décider de la dissolution de l'Assemblée populaire nationale ou d'élections législatives anticipées. Dans les deux cas, les élections législatives ont lieu dans un délai maximal de trois mois”. Un avis que partage également le président du groupe parlementaire du parti majoritaire, qui ne manque pas de s'interroger sur les motivations d'un recours à une telle éventualité. “Quels sont les arguments pour dissoudre l'Assemblée ? Est-ce qu'elle n'a pas joué son rôle ?”, s'interroge Abbès Mekhalif. Au FLN, les menaces qui planent désormais sur le devenir de l'Assemblée sont inscrites dans le prolongement des provocations qui ciblent le parti. “Après l'attaque des mouhafadhas, la destitution des ministres, la bienveillance de l'administration sur les réunions de certains groupes sous couvert d'association, aujourd'hui, on exhibe la menace de la dissolution de l'Assemblée. Il est clair que ce sont des intimidations”, explique le député du FLN, avant d'ajouter en guise de défi : “Ils ne peuvent ni nous intimider ni nous appâter.” Toutefois, il n'exclut pas l'éventualité que Bouteflika recourt à cette solution pour satisfaire ses ambitions. “Pour créer un climat de nature à justifier un report de l'échéance électorale”, explique-t-il. Fidèles à leurs positions attentistes et sans doute par calcul politicien, les partis islamistes évoquent avec beaucoup de prudence la question. Autant le MSP que le MRN ne semblent pas a priori gênés par une éventuelle dissolution de la Chambre basse du Parlement. “La question est de savoir, aujourd'hui, quelle sera l'attitude du FLN. Passera-t-il à l'opposition ?”, s'interroge Abderazak Mokri du MSP. “Même si l'on ne connaît pas l'intention du Président, il pourrait se trouver dans l'obligation de dissoudre l'APN. Une décision qui ne gêne pas outre mesure notre mouvement”, dit-il. Plus démagogique, Abdelghafour Saâdi du MRN estime, pour sa part, que “le recours à la dissolution ne doit être dicté ni par la vengeance ni par la volonté d'un retour à 97”. Toutefois, ajoute-t-il, la dissolution arrange le parti. Alors, Bouteflika franchira-t-il le Rubicon ? Au regard du tempérament de l'homme, tout est possible. Mais, face aux nombreux fronts qu'il a lui-même ouverts, il apparaît invraisemblable qu'il envisage cette solution extrême. Sans compter qu'elle incommoderait à coup sûr son soutien du moment, en l'occurrence le RND. Tous les observateurs, en effet, s'accordent à dire que la menace brandie ne vise qu'un seul objectif : provoquer l'hémorragie dans les rangs du FLN. C'est d'ailleurs ce qu'il faut sans doute relever dans les propos de Mekhalif qui qualifie la menace “d'appât”. Une menace qui étaye les manœuvres des contestataires qui évoquent un processus de destitution de Karim Younès. Une procédure qui n'est prévue pourtant ni dans la Constitution, encore mois dans le règlement intérieur de l'Assemblée. Karim Kebir Guerre FLN-Bouteflika La classe politique réagit Après la publication du communiqué-brûlot du parti de Ali Benflis dans lequel il accuse, ouvertement et pour la première fois, le président de la République de comploter contre le FLN et de porter atteinte à la stabilité des institutions, nous vous proposons les réactions de certains responsables de parti politique. Abdelmadjid Menasra (MSP) : “La guerre des mots ne fait pas avancer le débat. On souhaite et on appelle toutes les parties à la sagesse et à éviter à ce que ces luttes ne descendent dans la rue. L'Algérie a assez souffert depuis plusieurs années. On souhaite que cette crise n'atteigne pas le gouvernement et l'Assemblée.” Abdelghafour Saâdi (MRN) “À notre sens, il n'y a pas de position claire dans la déclaration du FLN. C'est un communiqué d'analyse et de diagnostic de la situation. Pour nous, notre position est claire. Si la dissolution de l'Assemblée est motivée uniquement par vengeance ou pour rééditer le scénario de 1997, on n'est pas d'accord. Maintenant, si cette Assemblée est considérée non représentative de la volonté populaire, dans ce cas, nous ne sommes pas contre. Cela étant dit, je ne pense pas qu'on puisse arriver à cette situation extrême.” Karim Tabbou (FFS) “C'est un interminable feuilleton de polémique stérile et politicien porté sur la scène publique, pendant que la population est totalement disqualifiée des débats. Après plusieurs années de luttes claniques par population interposée, nous assistons à la même logique sauf que, cette fois, cela se fait par ministres et parti interposés. Derrière cette foire politique, le pouvoir tente de réaliser un vœu de longue date qui consiste à laisser en surface de la scène politique les composants du sérail. Cette stratégie cache mal une volonté du pouvoir décideur de limiter le débat à une fausse bipolarité Bouteflika- Benflis. Les vrais décideurs comptent réaliser un exploit, en ne laissant aucun espace à l'opposition démocratique et rendre ainsi impossible l'alternative du même nom.” R. N.