Une occasion rêvée pour Sarkozy de fuir le chaudron français et de donner l'image d'une France respectée dans le monde. Un parterre de 40 chefs d'Etat et de gouvernement pour oublier la rébellion de ses électeurs. Avec le XIIIe Sommet de la francophonie, le président français sort (momentanément) du chaudron français avec l'espoir de faire partager à ses électeurs le rayonnement de la France dans le monde où la langue française est en partage dans 56 pays. À Montreux, la ville suisse qui accueille le sommet jusqu'à aujourd'hui, Nicolas Sarkozy est sous les feux des sunlights, loin des grèves, des manifestations de plus en plus violentes contre sa politique outrancièrement libérale, des ruptures de stocks en essence… De sa tribune de parrain de la Francophonie, il va essayer de redorer son image auprès de ses concitoyens désillusionnés par ses promesses et mesures qui portent atteinte à l'exception française en matière de modèle de société (dans le monde capitaliste et ailleurs). Un grand parterre. La XIIIe Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, communément appelée Sommet de la francophonie, regroupe 56 Etats, les membres de l'OIF, 14 Etats observateurs et d'autres qui se bousculent au portillon. Au-delà de l'académique et traditionnelle place qui échoit à la langue française dans le monde globalisé, c'est-à-dire, sous le règne de l'anglais, le président français, qui doit, bientôt, assumer la présidence du G8 et du G20, son récent prolongement, espère faire de ce rassemblement linguistique un vrai mouvement dans les relations internationales. Le calcul est simple, il suffit d'imaginer un tel groupe au sein de l'ONU, où les pays en partage de la langue française représentent le tiers de l'Assemblée générale. Et la famille ne cesse de grandir puisqu'il est attendu de ce sommet l'adhésion des Emirats arabes unis, de l'Estonie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro et de la République dominicaine. Vu de cette lucarne, la Francophonie, qui regroupe 870 millions de personnes sur les cinq continents, peut effectivement devenir une organisation redoutable. Dans le monde globalisé où les réseaux se superposent, se croisent et s'entrechoquent, ce positionnement peut paraître effectivement comme un atout. L'Organisation internationale de la Francophonie que préside l'ancien président sénégalais, Abdou Diouf, n'en est pas là encore mais, pour la France, il est évident que le rassemblement contribue à lui donner une grande visibilité dans la gestion des affaires du monde. L'organisation sert aussi de lobby, de réseau politique, permettant à ses membres, à la France plus que les autres, de faire valoir sa voix sur des dossiers en instance dans le monde. Animée par ce souci de ratisser large parmi ses membres, la France a oublié les fondamentaux qu'elle avait assignés à son organisation lorsqu'elle l'avait fondée dans les années 1970, ces années qui coïncident avec la vague de nationalisations sur le continent africain, le plus important gisement de l'OIF. L'organisation, selon ses textes, travaille aussi pour la paix, la démocratie et les droits de l'homme, par exemple, en surveillant des processus électoraux. Rien de cela dans la pratique puisque y siègent majoritairement des régimes qui ont pris de grandes libertés avec la démocratie et les droits de l'homme. Alors que reste-t-il de l'OIF ? Un petit machin pour les images de ses membres et un lieu d'échanges de points de vue, que ce soit au niveau formel ou dans les coulisses. Et puis, une occasion pour ses membres de faire du tourisme. Les Suisses ne s'y sont pas trompés, mettant l'accent sur cette activité. Peut-être même que les hôtes du sommet reviendront en vacances en Suisse (?), a espéré le responsable suisse du tourisme. Le sommet sera au moins festif. Les organisateurs ont prévu dans le “Village de la francophonie”, sur la place du marché de Montreux, une cinquantaine de stands en rapport avec la francophonie et de nombreuses animations culturelles tout au long de la semaine. Et pour ne pas fâcher, l'OIF va parler de changements climatiques, de nouvelles technologies, du développement durable, et, actualité oblige, d'enjeux liés à la sécurité et à la stabilité internationales… On est loin, bien loin de la mission première de l'OIF, à savoir la promotion de la langue française. Mais Montreux exaucera-t-il le vœu de Nicolas Sarkozy de voir la Francophonie acquérir de l'influence politique sur la scène internationale ? Auparavant, le locataire de l'Elysée devrait rassurer certains de ses pairs sur cette politique d'ouverture aux nouveaux adhérents non francophones, favorisés par la France et qui ne fait pas l'unanimité à l'OIF.