Le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, a beaucoup insisté, hier, au siège de son ministère, avant de se prêter au jeu des questions-réponses avec les représentants de la presse nationale, sur le fait que la justice, de par le monde, n'est pas à l'abri des critiques. “La justice ne sert pas de cadeaux. Chaque verdict fait un heureux et un insatisfait. Chaque jugement d'un délit se solde par des sanctions”, a-t-il soutenu. Il a affirmé aussi que la Justice n'est pas l'affaire d'un gouvernement, d'un groupe ou d'un parti, mais l'affaire de tous les citoyens. Il a fini son préambule en disant que le ministre de la Justice n'incarne pas le pouvoir judiciaire et n'y interfère pas. “Je n'ai jamais donné d'instructions aux juges dans une quelconque affaire”, a certifié M. Belaïz. L'entrée en matière du ministre de la Justice est, le moins que l'on puisse dire, singulière. Même s'il l'a justifiée par une volonté “d'user dorénavant du langage de la franchise avec la presse” (“J'ai fait ces remarques de bonne foi”, avait-il déclaré), il n'a pas pu dissiper un certain scepticisme quant aux visées réelles à ce qui s'apparente à des justifications. Le membre du gouvernement, connu pour ses accointances directes avec le mouvement de “redressement” du FLN, souhaitait-il lever, par quelques explications tardives, le discrédit jeté sur la justice, suite à l'épisode d'interdiction de la tenue du congrès extraordinaire du FLN ? Ou a-t-il tenté de préserver son département des attaques qui ne manqueraient pas de le cibler si la Chambre administrative près la cour d'Alger venait à rendre un verdict en faveur des pourfendeurs de Ali Benflis ? Toutes les interprétations sont possibles. D'autant que le garde des Sceaux a donné l'impression d'avoir convoqué une conférence de presse juste pour avoir la latitude de faire des mises au point. D'ailleurs, il a invoqué ses obligations pour écourter sa rencontre avec les journalistes lorsque les questions de ces derniers devenaient carrément gênantes. À une consœur qui lui demandait s'il y avait une volonté politique de dépénaliser les délits de presse en citant le cas récent du journaliste Hassan Bouras, condamné à trois années de prison ferme, Tayeb Belaïz a opposé une autre question : “Dans quel pays la diffamation ne fait pas l'objet de poursuites judiciaires ?” Il a éludé aussi la question relative au retard constaté dans le travail des multiples commissions chargées de la réforme des codes-cadres. Le ministre a été très prolixe, en revanche, quant au constat sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire, établi par les présidents de cour et les procureurs généraux, en réunion de travail depuis la matinée au siège de son département. Il a été relevé la non-exécution des décisions de justice, le retard dans le prononcé des verdicts et dans l'ouverture des audiences… “J'ai donné des instructions pour parer à ces failles. J'ai surtout insisté sur la nécessité de limiter les reports des dossiers afin d'accélérer les procédures dans les affaires simples.” Là aussi, le garde des Sceaux a précisé qu'il ne donne des injonctions qu'aux procureurs généraux, exerçant directement sous son autorité. S. H.