Pas moins de cinq députés du parti de Saïd Sadi ont pris la parole en plénière pour dire au Premier ministre, sans mâcher leurs mots, ce qu'ils pensent de lui et de sa politique. La polémique entre le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et le Rassemblement national démocratique (RND) a volé, hier, à l'Assemblée nationale, la vedette à la loi de finances 2011. Au dernier jour des débats sur cette loi, les députés du RCD ont pris la parole pour répondre aux attaques du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui les avait particulièrement ciblés la semaine dernière à l'occasion de la déclaration générale du gouvernement. En tout, cinq députés RCD sont intervenus pour répondre à Ouyahia. Le député RCD de Tizi Ouzou, Nordine AIt Hamouda, dont l'intervention était très attendue, a été particulièrement virulent à l'égard du Premier ministre. “J'aurais aimé que le Premier ministre soit aujourd'hui parmi nous”. En réponse à Ouyahia qui avait affirmé que les députés du RCD sont “inconnus à 40 km de leur territoire”, Aït Hamouda lance d'emblée : “Je le défie de venir marcher avec moi mais sans garde rapprochée et sans sa voiture blindée de Bouaâdnane (le village natal du Premier ministre, ndlr) jusqu'à Tlemcen, en visitant toutes les régions du pays. C'est au milieu des Algériens qu'on verra comment le peuple nous reconnaîtra”. Aït Hamouda fera observer, cependant, ironiquement une concession : “Je ne dis pas qu'il n'est pas connu en Algérie, au contraire le Premier ministre est connu même au-delà des frontières… mais comment ?” Et de répondre lui-même : “Premièrement, il est connu par l'emprisonnement des cadres de l'Etat pour régler des comptes politiques ; deuxièmement, par les ponctions des salaires des fonctionnaires que vous avez volés jusqu'à ce jour ; troisièmement, il est connu comme celui qui a été ministre de la Justice en 2001, lors des évènements sanglants en Kabylie qui ont fait 126 morts et jusque-là aucun des meurtriers n'a été jugé. Quatrièmement enfin, il est connu aussi par la promotion de quelques militants exclus du RCD pour vol et que vous avez rehaussés. Par exemple, quel est le budget que vous avez accordé au directeur de la wilaya de Tizi Ouzou qui est en même temps le directeur de la Maison de la culture de ladite wilaya ? Cette personne n'est même pas diplômée. Vous savez très bien que le cumul des fonctions est interdit par la loi et qu'on ne peut pas être ordonnateur et gestionnaire en même temps.” “Le Premier ministre est aussi connu”, aux yeux de Aït Hamouda, pour avoir “instrumentalisé à des fins politiques l'affaire de l'assassinat de Matoub Lounès”. “Sinon comment expliquer que les assassins présumés, en prison depuis 10 ans, ne soient toujours pas jugés ? Qui a peur de les juger ?”, s'interroge le député de Tizi Ouzou. Intervenant de son côté, Arezki Aïder, député du même parti, rappelle que “lors de la réponse du Premier ministre, il nous a informé que la wilaya de Tizi Ouzou a bénéficié d'une grande cagnotte. Des camarades ont signalé à juste titre que la cagnotte est assez importante mais que celle-ci n'est pas destinée au développement de la wilaya mais à la corruption et à la structuration de la délinquance, de la débauche et la répression”. La députée Lila Hadj Arab rajoute une couche en assénant que “quand on a été maître d'œuvre des fraudes électorales, on ne peut être qu'architecte de la corruption”, dénonçant les contre-vérités du gouvernement quant à l'amélioration de la situation sécuritaire en Kabylie. “Vous dites qu'il n'y a plus de terrorisme en Kabylie, comment pouvez-vous expliquer alors les kidnappings qui ciblent en permanence la Kabylie ?”, interroge-t-elle, avant d'ajouter qu'un autre terrorisme, celui de l'administration, sévit aussi dans cette région. Pour sa part, le député Tahar Besbas dénoncera la situation précaire dans laquelle vivent les médecins. “Vous parlez de la rareté des médecins spécialistes, mais avec votre politique nous allons souffrir d'une hémorragie dans le secteur paramédical à l'horizon 2020”. Déplorant la situation délétère des cancéreux en Algérie, Tahar Besbas estimera que “le gouvernement lui-même reconnaît avoir délaissé 14 000 cancéreux sans prise en charge”. “Cet aveu est encore plus grave quand on sait que les responsables bénéficient de soins à l'étranger avec l'argent de la Sécurité sociale”, dit-il, tout en précisant que “les responsables font même des tests de grossesse aux frais de l'Etat”. Vice-président à l'Assemblée nationale et proche du Premier ministre, Chihab Seddik, député RND d'Alger, n'a pas manqué de répliquer aux députés du RCD. Selon lui, “les critiques des députés du RCD sont sans fondement”. “Il est aisé de critiquer mais l'art est difficile”, dit-il, ajoutant qu'“à Tizi Ouzou, le RCD a la majorité des communes et 7 députés, mais ils se plaignent que le développement ne soit pas là”. De même, souligne-t-il, qu'ils “ont participé à un gouvernement d'alliance mais ils n'ont pas apporté le plus dont ils se réclament”.