Malgré les instructions fermes du ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, qui affiche sa volonté de livrer une guerre contre les pénuries, beaucoup de médicaments restent introuvables au niveau des officines. Sa récente promesse, selon laquelle en 2011, aucune pénurie ne sera dénoncée, ne risque pas de rassurer, d'autant qu'il y a quelques mois, Djamel Ould Abbès avait déclaré qu'il n'y aurait pas de pénurie de médicaments durant l'été. La liste des médicaments indisponibles est très longue. Clamoxil 500, Ibuprosane et Niframicine, pour ne citer que ceux-là, sont absents des officines. “Cela fait plus de quinze jours que je garde dans mon tiroir le carnet (tiers payant) d'un malade sans arriver à satisfaire sa demande en Corvasal”, explique un pharmacien contacté cette semaine. “Même les génériques de ce médicament qui, pourtant, sont fabriqués localement sont introuvables”, s'indigne ce pharmacien. Ce malade chronique qui attend son traitement de trois mois risque des complications s'il n'en a pas dans les prochains jours. “Si la situation n'est pas corrigée, ce sont ces malades chroniques qui trinqueront”, prévient-il. La majorité des pharmaciens et malades approchés redoutent les effets que pourrait provoquer une pénurie de certains médicaments. L'Ecazid en cardiologie, Digoxine et Moduretic sont indisponibles depuis longtemps, soit entre trois et quatre mois. Même le Denoral est en rupture de stock. De nombreux pharmaciens pointent du doigt la distribution en affirmant que certains produits sont disponibles chez les producteurs, mais ne sont pas distribués. L'un d'eux citera l'exemple d'un vaccin (Rebif) qui est disponible chez Biopharm mais qui est absent dans les officines. La distribution est également stigmatisée par le ministère de la Santé qui explique que certains manques sont dus à la désorganisation de la distribution du médicament. D'ailleurs, il espère trouver un terrain d'entente avec les importateurs et les fabricants pour assurer la distribution des médicaments sur les huit mille pharmacies que compte le pays, puisque les distributeurs n'arrivent pas à assumer cette tâche convenablement. Dans le milieu hospitalier, la situation n'est guère meilleure. En effet, des médecins spécialistes ne cessent de mettre en garde contre ces pénuries de médicaments, notamment les anticancéreux, qui hypothéquerait les chances de guérison des malades. Au Centre Pierre-et-Marie-Curie (CPMC), les médecins sont préoccupés par les ruptures de stock qui risque de survenir à tout moment. Il est vrai que les dysfonctionnements dans le circuit de distribution contribuent à accentuer ces pénuries, mais il n'y a pas que cela. Certains opérateurs vont encore plus loin en prédisant une pénurie plus sévère au regard des dispositions instaurées dans la loi de finances complémentaire 2009, celle relative au commerce extérieur. Selon un pharmacien rencontré lors des Journées régionales du Snapo, organisées la semaine dernière à l'hôtel El-Aurassi, les producteurs subissent les effets du crédit documentaire qui complique l'importation des intrants nécessaires à la fabrication des médicaments, d'où les pénuries constatées sur les produits fabriqués localement. Les pénuries récurrentes de médicaments essentiels ne sont que la partie immergée de l'iceberg. Le marché du médicament est déstructuré, de l'avis même des principaux intervenants dans le secteur. Pour le Syndicat algérien de l'industrie pharmaceutique, il n'y a pas eu d'amélioration de la situation dans le sens de la voie tracée pour l'émergence d'une industrie pharmaceutique digne de ce nom en Algérie. Le Saip évoque les diverses difficultés auxquelles font face les producteurs algériens dans l'exercice de leur activité. On citera, entre autres, la problématique de l'enregistrement, qui reste l'un des obstacles majeurs dressés sur le chemin des producteurs locaux. Le syndicat suggère d'écourter à un mois les délais d'enregistrement des médicaments fabriqués localement. Selon lui, cette proposition permettra d'alléger la procédure et d'encourager les fabricants locaux à élargir rapidement leurs gammes de production. Le Snapo, pour sa part, parle de mauvaise gestion et d'un manque de transparence dans celle des médicaments en Algérie. Le Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine insiste sur la nécessité d'élaborer une charte des pratiques commerciales. Autre revendication, la nécessité de mettre en place une stratégie bien réfléchie et une politique nationale du médicament. Conscient de la situation peu confortable que traverse le secteur, le ministre de la Santé a annoncé récemment la création d'une nouvelle direction du médicament au sein de son département afin de vérifier les tenants et les aboutissants du secteur. Plusieurs autres mesures sont engagées par le ministre. Il s'agit notamment de la mise en place avant la fin de l'année en cours de l'agence nationale du médicament. Cette agence aura, entre autres, pour mission de mieux contrôler le marché et de mettre en place des mécanismes adéquats. Le ministère a également annoncé une révision de la liste des médicaments interdits à l'importation en rappelant que les producteurs locaux qui s'engagent à satisfaire les besoins nationaux doivent honorer leurs engagements pour éviter les situations de pénurie. Le ministre a, par ailleurs, promis de faire de son mieux pour aider les opérateurs à se lancer dans la production et pour régler les problèmes des opérateurs pharmaceutiques qui se lanceront dans la fabrication.