La rentrée scolaire est fortement perturbée. Les enseignants menacent de durcir le mouvement de protestation alors que le ministère se montre ferme et menaçant. Les jours à venir ne présagent rien de bon. Réformes, statut particulier, salaires…les enseignants sont en colère Menace sur la rentrée scolaire Certaines organisations syndicales exigent une augmentation des salaires dans l'immédiat. Faute de quoi, l'année scolaire sera compromise. Benbouzid a du pain sur la planche. Habitué des fuites en avant, le gouvernement algérien a préféré clore l'année scolaire 2002/2003 en queue de poisson. Et ce, grâce à un “subterfuge” naturel : le séisme du 21 mai qui avait secoué Alger et Boumerdès. Le gouvernement a certes gagné du temps, mais le contentieux est aujourd'hui lourd à gérer. Pour preuve, l'année scolaire 2003/2004, à peine entamée, connaît déjà de sérieuses perturbations à tous les niveaux. Alors que le dossier des salaires reste encore en suspens, les 380 000 travailleurs du secteur de l'éducation et de la Fonction publique s'interrogent sur le contenu des réformes décidées à leur insu par le département de Benbouzid, ministre qui qualifie ces mêmes réformes de “révolution”. Tous les syndicats, autonomes ou affiliés à l'UGTA, sont unanimes (sur la forme) sur ces deux principaux volets de revendications. En effet, l'augmentation accordée aux enseignants l'année dernière n'était en fait que de la “poudre aux yeux”. “Il s'agissait d'une augmentation de notation. Sinon, comment expliquer le retard dans le versement des primes de rendement ?”, nous confiait, hier, le secrétaire général du Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique (Snapap), M. Rachid Malaoui. Notre interlocuteur n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour fustiger la politique du gouvernement qui “ne fait pas de projection, mais dans l'improvisation”. L'Union de l'éducation nationale du Snapap, qui compte inviter tous les syndicats autonomes agréés ou non, organisera les 19 et 20 septembre un congrès national à Alger pour proposer une plate-forme dont la principale revendication sera l'augmentation des salaires dans l'immédiat. “Si le gouvernement campe sur sa position, nous irons vers un mouvement de grève générale. On a trop méprisé l'enseignant !”, ajoutera encore M. Malaoui. Hier encore, plusieurs rencontres ont été organisées à Alger par des structures relevant de l'éducation nationale pour répondre aux propos du ministre de l'Education nationale, M. Boubekeur Benbouzid. Ce dernier, qui avait déclaré à la presse publique que la rentrée scolaire se passait bien partout, semblait oublier que le malaise des enseignants, dont les correcteurs de l'épreuve du bac, observeront demain (mardi) deux heures de grève avant de recourir au boycott des centres de correction. Un sit-in devant le principal centre de correction de la capitale, le lycée Hassiba-Ben-Bouali de Kouba, sera organisé par la Coordination des lycées d'Alger (CLA) pour dénoncer la politique d'austérité pratiquée par Benbouzid. Ce dernier avait promis de porter la rémunération des correcteurs de 11 à 22 dinars la copie et de suspendre le prélèvement des journées de grève. Solidaire avec les professeurs d'enseignement secondaire et technique, cette organisation revendique également un statut particulier pour cette frange d'enseignants ainsi que la baisse de l'âge de retraite. Dans un communiqué rendu public hier, le CLA dénonce l'exclusion des centres d'examen des enseignants affiliés à ce syndicat, soit 300 personnes sur les 2 615 que compte la wilaya d'Alger. “Ce sont des listes noires établies par le ministère pour nous écarter. Au lieu de rétablir le dialogue social, le ministre menace en faisant planer l'éventualité de nouvelles ponctions sur salaires”, lit-on dans le communiqué. En réponse à cet “autisme”, le CLA appelle à une démonstration de force en organisant une grève de trois jours les 27, 28 et 29 septembre prochains. Principales revendications : “Augmentation des salaires, baisse de l'âge de retraite et promulgation du statut particulier.” Au sujet des réformes annoncées en grande pompe par le ministre de l'Education, le secrétaire général du CLA, M. Redouane Osmane, estime que celles-ci sont “administrées.” “On ne peut parler de réformes sans améliorer les conditions socioprofessionnelles des enseignants et de tous ceux qui font l'école”, affirme le syndicaliste. Côté Satef (Syndicat des travailleurs de l'enseignement fondamental), le ton est encore virulent. À Tizi Ouzou comme à Béjaïa, la rentrée s'annonce difficile avec toutes les contraintes imposées aux enseignants de cette région. Outre les revendications déjà connues de ce syndicat, les enseignants de Kabylie ont annoncé la couleur la semaine dernière par cette question : “Où est passée la prime de rendement ?” Cela dit, le Satef compte aussi réunir prochainement ses états généraux pour discuter des actions à mener en prévision de la rentrée scolaire 2003-2004. Il est à signaler que toutes les tentatives de joindre des organisations affiliées à l'UGTA sont restées vaines. Cependant, une chose est sûre : tous les syndicats s'accordent à retarder la rentrée scolaire, en tous cas tant qu'aucune voix officielle ne vienne mettre fin au profond malaise d'une corporation en mal de reconnaissance. Le bras de fer a commencé entre les syndicats et Benbouzid. Les élèves en seront, comme à l'accoutumée, les seules victimes des atermoiements des deux parties. FARID BELGACEM Le ministre campe sur ses positions Benbouzid agit seul Le Conseil des lycées d'Alger (CLA), à l'origine des perturbations qu'a connues la fin de l'année scolaire 2002-2003, ainsi que le Cnapest reprochent au ministre son “refus du dialogue”. Rien ne va plus entre le ministre de l'Education nationale, Boubekeur Benbouzid, et les partenaires sociaux, notamment le Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest) et le Conseil des lycées d'Alger (CLA). Ces derniers reprochent au ministre son refus de se rapprocher d'eux, voire de négocier avec eux, afin de rétablir la confiance avec les enseignants et bien sûr d'entamer le dialogue que le premier responsable du secteur a lui-même promis, il y a quelques mois. Les menaces proférées, le 12 septembre dernier, par le ministre de l'Education nationale à l'encontre des enseignants qui suivront les mouvements de grève, ont apparemment produit l'effet contraire. Le débrayage initié par le Cnapest dans les wilayas de l'intérieur semble rencontrer une adhésion des professeurs, si l'on s'en tient aux déclarations faites par les représentants de ce syndicat, qui “brandissent” un taux de participation de 90%. Le Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique, qui a été agréé l'an dernier, va même jusqu'à menacer de mener d'autres actions de protestation, pour contraindre les pouvoirs publics à répondre favorablement aux revendications socioprofessionnelles. De son côté, l'organisation des établissements secondaires de la wilaya d'Alger, le CLA, continue à interpeller la tutelle et à réclamer “le règlement des problèmes dont souffrent les enseignants”. Des problèmes restés en suspens depuis la fin de l'année scolaire 2002-2003 : statut particulier du PES, augmentation des salaires, retraite après 25 ans de service, etc. Il y a lieu de relever que la présente rentrée scolaire revêt un caractère doublement particulier. Elle a été retardée de quelques semaines au niveau de deux wilayas du pays (Alger et Boumerdès), en raison des graves perturbations causées par le séisme du 21 mai. Cette rentrée verra également l'entrée des réformes pédagogiques, selon Boubekeur Benbouzid. Mais, la prise en charge des revendications du corps enseignant et des autres travailleurs de l'éducation semble avoir été évacuée de l'ordre du jour du ministère, à l'exception de la titularisation de 7 000 vacataires et de la création de quelque 9 000 nouveaux postes budgétaires. Peut-on aujourd'hui appeler à la “révolution” dans les écoles et plaider pour une “école de la connaissance et des compétences”, sans améliorer les conditions de vie et de travail des enseignants ? C'est au ministère de la tutelle d'y répondre, d'autant que le risque de mécontentement des professeurs des régions sinistrées et de l'intérieur du pays est toujours présent. Nous avons tenté, hier, de nous rapprocher du ministère de l'Education pour recueillir le point de vue des responsables au sujet de la situation prévalant dans le secteur, mais en vain. “Ils sont en réunion” ou “sur le terrain”, nous a-t-on répondu. Hafida Ameyar Algérie : Echos d'une rentrée contrastée Annaba : Cnapest et faux départ La rentrée scolaire qui a concerné, cette année, 132 595 élèves, tous paliers confondus, avec 70 734 nouveaux inscrits, a fait un faux départ avec notamment le déclenchement d'une grève de trois jours des enseignants des technicums et lycées. Ce débrayage, qui se veut un prolongement de celui entamé l'an dernier par les professeurs du secondaire et du technique, à l'initiative du Cnapest, aurait concerné tous les établissements de la wilaya et aurait été suivi par l'ensemble des enseignants, selon les syndicalistes. Les responsables du secteur de l'éducation affirment, pour leur part, que le mouvement de grève n'a été observé que par 563 professeurs sur les 1 391 exerçant dans la wilaya de Annaba. La direction de l'éducation signale que ce mouvement de protestation qui revêt un caractère national ne saurait faire l'objet d'une quelconque démarche, les cercles de discussion étant situés au niveau du ministère de tutelle. On nous informe, par ailleurs, que toutes les dispositions sont prises pour assurer les meilleures conditions de scolarité à tous les élèves, précisément en ce qui concerne le livre scolaire, les repas à la cantine et la prime de scolarité qui sera donnée cette année à 51 000 enfants ayants droit. Ceci, explique-t-on, pour limiter au maximum le phénomène de la déperdition scolaire qui a pris des proportions alarmantes, comme en témoignent les chiffres relevés tout au long de l'année dernière. A. ALLIA CONSTANTINE : Fouroulou, au temps de la conjonctivite et de la misère sociale Les élèves des trois cycles du fondamental à Constantine, quelque 210 087 inscrits, ont rejoint à partir d'hier leur salle de cours, dont 16 424 ont franchi ce pas pour la première fois. À Constantine, au moins quatre faits nouveaux distinguent cette rentrée des précédentes. Il y a d'abord cette épidémie de conjonctivite, l'aide aux élèves démunis, les réformes scolaires et, enfin, le renforcement des capacités d'accueil dans la nouvelle-ville. Ainsi, pour ce qui est de la conjonctivite, au niveau des accès aux établissements scolaires, un tri des élèves renforcé, par des observations cliniques dans certains cas, a été effectué par des agents du bureau d'hygiène communale et de la direction de la santé. Côté aide sociale, cette année, les différentes institutions impliquées dans le dispositif de protection sociale n'ont pu débloquer, pour la wilaya de Constantine, que 17 milliards de centimes. Ce montant, comparé aux chiffres avancés par des sources syndicales, ne couvre que la moitié des besoins exprimés en matière de “solidarité scolaire”. Pour le volet réformes, ces premiers jours de classe sont censés être un rendez-vous d'explication des nouvelles mesures introduites dans le système scolaire. Seulement, à part les communiqués officiels, les enseignants ne disposent pas d'assez d'informations à même de satisfaire la curiosité des parents. Enfin, s'agissant des capacités d'accueil, l'essentiel des efforts a été orienté vers les nouvelles villes Ali-Mendjeli et Massinissa et le site de Bekira. Ces derniers ont bénéficié de trois nouveaux lycées, d'autant de collèges d'enseignement moyen et de six écoles primaires. Pour leur part, les locataires de l'hôtel de ville, auxquels incombe la gestion des infrastructures du primaire, signalent un déficit de 150 agents d'hygiène et de sécurité. Une situation qu'ils pensent gérer par le recours aux emplois financés par le dispositif d'emploi de jeunes. MOURAD KEZZAR Oranie : reprise en dents de scie La rentrée scolaire à Oran s'est normalement déroulée au niveau des écoles de l'enseignement des trois cycles. La journée d'hier a été particulièrement chargée pour les parents d'élèves et les enseignants pour la réussite de cette journée considérée comme “singulière”. Tôt le matin, des milliers de petits enfants ont donc sagement pris le chemin de l'école. Pour certains d'entre eux, joyeux, c'est la découverte d'un nouveau monde magique, celui des classes, des camarades et des maîtres et maîtresses d'école. En revanche, ce sont les pleurs et les sanglots des tout petits collés aux jupes de leur mère qui ont caractérisé cette rentrée 2003/2004. Proprement habillés, exhibant fièrement tabliers et cartables, les enfants scolarisés ont donné une note de gaieté à la ville. Le grouillement des enfants et de leurs parents se faisant lourdement sentir, certains directeurs d'établissements scolaires n'ont pas hésité à faire appel aux agents de l'ordre pour normaliser la circulation des véhicules. Par ailleurs, les localités périphériques, à l'exemple de Sidi El-Bachir, n'ont pas connu le même engouement qu'au centre-ville d'Oran. Bousculades, cris des parents et des élèves ont soulevé un début de colère au niveau du CEM de Bouachka. Il aura fallu tout le tact du directeur pour venir à bout des élèves “récalcitrants et impolis”. Au CEM Si-Abdelbaki, c'est à une organisation impeccable et au dévouement de M. Khalifa Ouared, directeur de cet établissement “pauvre” que les élèves ont regagné leurs classes respectives. À Sidi Bel-Abbès, c'est un constat plutôt maussade concernant les 92 écoles primaires réparties sur le territoire de la wilaya qui fait. En effet, il suffit de voir l'état dégradé des portes, des fenêtres, des vitres et des murs pour se rendre compte que tout va mal dans cette wilaya. Certains établissements scolaires, à l'image du CEM Touhami-Benhamouda, ne payent pas de mine. Pis, dans la localité de Sidi Djilali, ce sont des classes lézardées qui reçoivent plus de 50 élèves. Il en est de même pour les déperditions scolaires qui ont atteint le nombre de 2 174 en 2002, ce qui traduit, on ne peut mieux, l'ampleur des dégâts d'un système défaillant à l'antipode des attentes des élèves scolarisés. B. Ghrissi et B. Hakim Tizi Ouzou : surcharge des classes et colère des parents Rentrée des classes bien particulière à Tizi Ouzou. Les bonnes conditions de reprise tant promises par le ministre de l'Education n'ont pas été au rendez-vous. D'abord par cette grève des PES qui a “accueilli” les lycéens dès la première journée. Sur un autre plan, la rentrée a revêtu cette année un cachet spécial avec les dommages causés par le séisme du 21 mai. Au total, 111 établissements atteints, parfois sérieusement, n'ont pas été au rendez-vous, accentuant le déficit de 22 lycées et 67 CEM. Résultat : la direction de l'éducation était contrainte de recourir aux mutations et à la surcharge des classes. Cette situation n'a pas manqué de soulever l'ire des parents d'élèves et des enseignants. À Tigzirt, les travailleurs du lycée Amar-Bessalah, tous personnels confondus, refusent la reprise de travail dans les conditions déplorables qui prévalent, puisque les travaux d'aménagement de l'établissement sont toujours en cours, nous dit-on, plongeant le lycée dans une atmosphère de chantier. Au chef-lieu de wilaya, les lycées Amirouche, Stambouli, El-Khansa et Fadhma-n'Soumer ainsi que de nombreux CEM et écoles primaires ont connu les mêmes désagréments. À ces conditions matérielles s'ajoutent les revendications syndicales exacerbées par le retard dans le paiement de certains rappels. Au total, 276 993 élèves, dont 20 034 nouveaux inscrits à la première année primaire, ont été enregistrés cette année. A. T. Blida : lycée en grève à Soumaâ Les travailleurs du lycée de Soumaâ, localité distante de 10 kilomètres à l'est du chef-lieu de la wilaya de Blida, sont en grève. Les personnels pédagogique et administratif de cet établissement du secondaire exigent le départ du directeur. Il semble que ce responsable fait l'unanimité contre lui, puisque même l'association des parents d'élèves l'a dénoncé. Les contestataires sont décidés à poursuivre leur mouvement de débrayage jusqu'à la satisfaction de leur principale revendication. M. Achouri Bouira : Sur fond de protestation La rentrée scolaire a été marquée par une vague de protestation. Ainsi, à l'appel du Cnapest, la plupart des établissements scolaires du secondaire ont été paralysés en cette première journée. Avant même le début de l'année, le Cnapest avait brandi la menace de la grève au cas où les pouvoirs publics ne répondent pas aux points soulevés, à savoir l'augmentation des salaires, la retraite à 25 ans et d'autres revendications socioprofessionnelles encore. À l'est de la wilaya, les enseignants ont répondu à l'appel. À M'chedellah, outre la grève du secondaire, la paralysie a touché même le moyen et le secondaire. La coordination des enseignants est revenue à la charge, en accusant les responsables de la wilaya de ne pas avoir tenu leurs engagements, notamment concernant le retard des salaires et des rappels. Ils menacent de recourir à d'autres moyens, même s'ils sont conscients que cela perturbera la scolarité. Pour le directeur de l'éducation, les revendications du Cnapest sont d'ordre national et dépassent ses prérogatives. Le dossier des salaires est pris en charge par le gouvernement et est actuellement à l'étude. Les enseignants eux ne l'entendent pas de cette oreille et la grève de trois jours continuera. Cela n'est qu'un début pour une nouvelle année scolaire qui s'annonce mouvementée. A. DEBBACHE