Les trois opérateurs dans un seul appareil ; les téléphones portables de la contrefaçon étonnent par leur efficacité, leur modernité et, surtout, leur prix. “Tu n'as qu'à espérer… Les Chinois te le fabrique pour presque rien.” Katia est une jeune et dynamique cadre financière dans une entreprise d'Etat à Alger. “J'ai le titre mais pas encore la paye qui va avec”, nous dit-elle pour expliquer son choix, celui d'avoir acheté un téléphone “chinois” il y a presque deux ans. “à l'époque, il m'avait coûté un peu plus de dix mille dinars. Pour ce prix, impossible de trouver un téléphone double puces chez les distributeurs de marques officielles.” Evidemment, Katia savait à l'achat que son Nokia N95 n'était pas un vrai, un contrefait. Peu importe la garantie, tant qu'il satisfait ses besoins à moindre coût. En effet, il y a plus de deux ans, alors que les offres des opérateurs pour appeler à prix réduit, voire gratuitement, se bousculaient sur tous les supports publicitaires, chez les représentants des marques de téléphonie mobile, on ne proposait qu'un seul modèle à double puces “très cher et pas très disponible”, se rappelle Katia qui, après avoir fait l'acquisition d'une seconde puce promotionnelle, ne voulait surtout pas s'encombrer avec un deuxième appareil. C'est pour cette raison d'efficacité et de réactivité à la demande que ces modèles de la contrefaçon chinoise, appelés familièrement “chinois”, sont très vite devenus une habitude de consommation chez les Algériens. Pour prendre conscience de l'ampleur du phénomène, il est utile de faire un tour à Belfort, “le” quartier du téléphone portable d'Alger. La rue des magasins spécialisés s'étend sur des dizaines de mètres. Entre chaque deux boutiques (qui vendent essentiellement des accessoires pour téléphones portables de fabrication chinoise), on trouve un vendeur à la sauvette de téléphones portables. Sur une table type, au moins une trentaine de modèles contrefaits, des copies de vrais modèles qui se vendent, au moins, deux à trois fois plus chers, juste derrière, dans les grandes vitrines. Et encore, ici, les prix ont la réputation d'être imbattables. Pour un des vendeurs à la sauvette, il n'y a pas d'explication compliquée à l'engouement des clients sur ces modèles qu'ils savent contrefaits. “C'est, bien sûr, et avant tout, le prix. Tous mes portables ne dépassent pas les dix mille dinars ; en plus, ils sont bourrés d'options : triple puces, double batteries, télévision, haut-parleur super puissant… Ils ont fait leur preuve chez les clients qui reviennent. Ce que tu veux, tu le trouves ici. Tu n'as qu'à espérer comment sera ton portable idéal, les Chinois te le fabrique pour presque rien.” Mehdi est un mordu des nouvelles technologies ; son portable, c'est la version mini du fameux iphone d'Apple. Ce modèle n'existe même pas en vrai, mais la rumeur de sa fabrication par le géant américain courait et enthousiasmait le Net, il n'en faut pas plus pour le trouver entre les mains de Mehdi. “Bon, c'est vrai, l'écran tactile n'est pas aussi réactif que sur le vrai iphone, mais qualité son, image, impeccable ! En plus, il a double puces et le design.” Pour Azzedine, agent dans une usine, avoir la télévision (même algérienne) sur son téléphone portable est une chance qu'il n'a pu avoir que grâce au téléphone “chinois”. Des Katia, Mehdi ou Azzedine, des pères et des mères de famille, des étudiants, des jeunes fonctionnaires…, on en croise des dizaines autour des tables à portables de Belfort, des gens qui refusent de mettre toute une paye pour s'offrir un simple portable. Et tant qu'on y est, pourquoi pas s'offrir un portable plus évolué ? “Pourquoi on ne mériterait pas d'avoir des portables de classe ?” s'insurge un client. “Le vrai modèle d'où est copié le mien coûte soixante mille dinars, nous dit Azzedine. Tu t'imagines ce que cela veut dire, trois payes ; le mien m'a coûté six mille dinars, et je considère avoir fait une folie… Soixante mille dinars un portable ! Ils sont vraiment fous !”