Le dixième anniversaire de la maison d'édition Barzakh a été célébré. Cet événement a été marqué par la sortie d'un très beau livre en forme de recueil de nouvelles dont le thème est “le noir d'Alger”. (Alger, quand la ville dort…). Sept écrivains ont participé à ce recueil ; en l'occurrence, Kamel Daoud, Chawki Amari, Habib Ayyoub, Kaouter Adimi, Hadjer Bali, Ali Malek et Sid-Ahmed Semiane. Ce qui m'a réjoui dans cette célébration, c'est d'abord cette noble collaboration culturelle et fraternelle entre deux maisons d'édition respectables, à savoir Barzakh et Chihab. La célébration fut organisée dans les espaces de la librairie Chihab, à Bab El Oued. En écoutant les écrivains invités parler de leurs rapports spécifiques avec Alger, je me suis dit que chaque artiste possède sa propre anecdote qui le lie à cette ville dont la blancheur est noire ! Alors, je voudrai, moi aussi, vous raconter, vous dire, partager avec vous mon Alger à moi. Trois cents dinars ! On aime la ville, là où on a été volé. La première fois que je suis rentré dans cette ville : “Alger la Blanche”, “Alger la noire”, qu'importe, c'était en mai 1977. J'avais une peur et une réticence envers cette cité sans traits ! Je débarquais d'Oran, ouverte, fêtarde et noctambule ! À Oran, tout le monde se sent chez lui. En arrivant à Alger, tout ce que j'avais sur moi, c'était mes trois cents dinars et ma carte d'étudiant. J'ai passé la journée entre la fac, l'Union des écrivains et les cafés. Je ne connaissais pas grand monde, quelques jeunes écrivains : Djaout, Harzallah, Sebti, Faci, Rezagui, Hamdi… Le soir, j'ai décidé de rentrer à Boumerdès pour passer la nuit chez mon frère Abdelmadjid, étudiant à l'INH. À la gare routière, et avant de monter dans le bus, ma fortune m'a été volée : mes trois cents dinars ! Durant cette même année, au mois d'août, j'ai visité, et pour la première fois, Paris. En arrivant dans cette métropole, j'ai appris la mort du king Elvis Presley. Deux douleurs ! Deux villes contradictoires ! Poètes Dès que je médite sur Alger, je découvre une ville qui tue et emprisonne les poètes. Elle a commencé par Cervantès ! C'était le premier visiteur de ses geôles ! Cela s'est passé en 1575, l'an de sa captivité. Violence ou amour dévorateur, peu importe ! Le 30 août 1973, dans une aveugle cave, Alger a tué son grand poète Jean Sénac. Au suivant ! Le 29 janvier 1986, l'ogresse n'a pas hésité à tuer la poétesse Safia Kettou, de son vrai nom Zahra Rabhi, en la balançant du haut du pont sourd du boulevard de Telemly. Au suivant ! Alger a tué le fils d'Azzefoun : le poète Tahar Djaout, c'était le 26 mai 1993. La folie ! Alger, avec sang-froid, a également abattu Youssef Sebti, c'était le 28 décembre 1993. Absurdité ! Alger n'a pas pu défendre l'écrivain Laâdi Flici, il est tombé sous une pluie de balles enragées, le 17 mars 1993… Cynisme ! Quand les villes tuent leurs poètes, cela signifie le cataclysme ! Et dans cette violence et ce rêve cauchemardesque, je contemple Alger, cette cité féroce mais aussi séduisante ! Cages Je déteste les cages. Ainsi, je n'aime pas cette tradition algéroise envers le chardonneret el maqnine. Je n'aime pas les cages des oiseliers ! L'oiseau, dans mon imaginaire, est le frère jumeau de la liberté. Le ciel vaste est fait uniquement pour les oiseaux. Je déteste les cages. Algérois que vous êtes, Algérois que nous sommes, libérez, libérons les oiseaux de leurs prisons ! Rendez-leur leurs cieux, leurs chants et leurs joies ! Remettez les ailes à leurs places ! Je n'aime pas le chant d'un oiseau dans une cage ! Non plus, je n'écoute pas les chansons sur le beau chardonneret al maqnine ezzine ! Pour qu'Alger retrouve son éclat, il faut me rendre mes trois cents dinars, rendre le sourire et le verbe aux poètes et libérer tous les chardonnerets de leurs cages. A. Z. [email protected]