Il était une fois une petite fille adorable, vaillante, mais très chagrinée. Tout le monde l'appelait “Loundja aux sept nattes''. Elle tient son surnom de sa belle et abondante chevelure. Sa mère parvenait toujours, non sans peine, mais avec beaucoup d'affection, à lui relever sa longue tignasse, grâce à de parcimonieuses tresses. Un jour, à la suite d'une courte maladie, sa maman décéda subitement. Affligée par la mort soudaine de sa mère, Loundja aux sept nattes a, du jour au lendemain, vu sa petite vie basculer. À l'origine de son calvaire, une femme, la nouvelle épouse de son père. Celle qui est venue remplacer ce qu'elle avait de plus cher à la maison. La chair de sa chair, comme aimait à l'appeler, parfois, sa maman. La marâtre de Loundja était une femme acariâtre et gravement jalouse. Aussitôt les commandes du foyer entre ses mains, elle échafauda un plan diabolique pour se débarrasser de la petite orpheline. Pour mettre en œuvre sa sale besogne, la satanique marâtre fila de la laine, en fit une pelote gigantesque et dit à sa belle fille : “On va tisser un burnous à ton père ! J'attache un bout de la pelote à ce pieu et toi de ton côté, tu prends l'autre bout, tu déroules la pelote et, surtout, ne t'arrête pas de marcher jusqu'à ce que le burnous soit entièrement fini ! Je dirai à ton père que tu m'as aidée. Ainsi, il sera fier de toi !” Croyant à un subit regain d'intérêt de sa marâtre envers elle, Loundja, si jeune et innocente, s'exécuta aussitôt. Marchant à reculons, la laine entre les doigts, la petite fille s'éloigna dangereusement de la maison familiale. La pelote était bien pleine et le fil considérablement long. Bientôt, elle s'enfonça complètement dans la forêt. La nuit la surprit. Terrifiée par l'obscurité et les cris nocturnes des animaux, elle s'arrêta net. En proie à cette profonde tourmente, elle se mit à pleurer toutes les larmes de son frêle corps. Mais, malgré sa frayeur, elle réussit à apercevoir, derrière des feuillages, une femme de taille géante. El ghoula est bel et bien là ! Elle était occupée à moudre du blé. Tenaillée par la faim, effrayée par le noir et n'entendant que le gargouillis de son ventre, Loundja courut se refugier dans l'antre de l'ogresse, se saisit de sa poitrine et se mit à téter l'immense sein de l'ghoula. L'ogresse qui ne l'avait pas entendue venir, a été surprise par tant de bravoure et lui dit, presque délicatement : “Alors fillette, tu m'as bien eue là ! Tu es en train de téter le lait de Aïssa et Moussa, mes fils. D'ailleurs, autrement, j'aurais fait de ta chair une seule bouchée, de ton sang, une seule gorgée et de tes os, de petits osselets ! Mais, à présent, tu es comme la sœur de mes enfants. Tu n'as plus rien à craindre.” C'est ainsi que Loundja trouva refuge auprès de l'ogresse où elle vécut heureuse, loin de sa satanique marâtre. NADIA AREZKI [email protected]