Loundja, du haut de son arbre, interpella la vieille : «Bonne mère, vous avez posé le tadjine à l?envers !» «Je n?y vois goutte mon enfant !» se lamenta Settoute. Puis, maladroitement, elle essaya en vain de dénouer le torchon où était enveloppée une boule de pâte. Loundja eut pitié de la pauvre vieille; alors elle descendit du palmier et remit le tajine à l?endroit. Pendant que la jeune fille s?affairait, Settoute, sans mine d?y toucher, planta un pieu au bas de la robe de la jeune fille et laissa son foulard tomber. C?est ainsi que les gardes du roi capturèrent Loundja qui fut conduite chez la reine à qui elle raconta sa triste histoire. Dans le royaume, on eut vite fait de surnommer la jeune fille, à cause de ses longs cheveux : «Loundja l?enveloppée dans sa chevelure.» Le prince, toujours aussi amoureux d?elle, l?épousa et on fêta leurs noces sept jours et sept nuits. Tous les matins, la princesse se promenait dans les vastes jardins du palais en compagnie de son frère gazelle. Un jour, parce que Loundja attendait un enfant, le prince décida de faire l?aumône à mille pauvres et démunis. Une longue procession de mendiants défila sous les fenêtres de Loundja. Soudain, elle reconnut parmi eux le visage émacié de son père. Elle le fit appeler et lui donna un sac de pièces d?or. Mais il ne l?avait pas sitôt saisi qu?un oiseau de nuit et de suie le lui déroba, en disant : «Celui qui a été par Dieu appauvri Ne sera pas par les hommes enrichi !» Le lendemain, le mendiant revint sous la fenêtre de la princesse. Cette fois-ci elle fourra une galette de pièces d?or et la lui glissa dans la poche. Quand la marâtre découvrir le trésor du mari elle confia à Djohera : «Il n?y a qu?une fille aimante qui peut faire cela à son père. Allons voir qui est la bienfaitrice.» La tante se présenta au palais et reconnut sa nièce ; alors elle se jeta à son cou et pour culpabiliser Loundja elle pleurnicha : «Mon enfant, en vous cherchant, ton père a gaspillé toute sa fortune jusqu?à en être réduit à l?état de mendiant !» Loundja, compatissante, les invita à séjourner au palais. Bientôt la jalousie d?antan, endormie un certain temps, rejaillit dans le c?ur de la tante qui redevint marâtre. Alors elle dit à sa fille : «Tâche de te débarrasser de Loundja et de prendre sa place !» Puis, elle lui chuchota à l?oreille ce que le diable lui avait suggéré. Un soir que le prince était à la chasse, Djohera proposa à Loundja sur le point d?accoucher : «Allons marcher jusqu?au fond du jardin et nous nous reposerons près du puits ; il y fait si frais !» Loundja l?accompagna, puis, fatiguée, s?assit sur la margelle. Alors de toutes ses forces, la méchante s?ur poussa la princesse dans le puits. Heureusement que l?oiseau de suie et de nuit freina la chute de la pauvre princesse. Le bon génie l?aida même à accoucher de magnifiques jumeaux. Mais l?odeur de la chair fraîche attira l?hydre aux sept têtes qui jaillit des profondeurs du puits. Quand le monstre aperçut Loundja assise enveloppée dans sa belle chevelure allaitant deux petits anges, le monstre, séduit, glissa l?une de ses têtes dans le giron de la princesse. Pour la protéger, l?oiseau de nuit et de suie siffla sept fois et le serpent s?endormit. Pendant ce temps, Djohera alla dans les cuisines et ordonna : «Allez chercher la gazelle, la princesse doit manger de sa chair au moment de l?enfantement. Vite, vite égorgez la bête ! Ma s?ur est sur le point d?accoucher !» Comme elle vit que le cuisinier lui obéissait et commençait déjà à aiguiser son grand couteau, elle courut se déguiser en princesse et se glissa dans le lit de Loundja. Quand le prince revint de la chasse, il fut surpris de l?apparence de sa femme. Et Djohera trouvait, à chaque fois parade à ses questions : «Mais qu?est-ce qui a changé ta chevelure ?» «C?est l?eau de ton pays !»