Les transplantations rénales connaissent une baisse de rythme. Déjà, en 2009, le nombre de greffes du rein était en dessous des cents réalisées annuellement. Cette barre ne sera pas franchie, non plus, cette année. La situation des malades est insoutenable. Actuellement, environ 14 000 personnes sont dialysées en Algérie. 20% sont des candidats à une transplantation rénale, soit près de 3 000 sont en attente d'être greffés. Le professeur Farid Haddoum, chef du service néphrologie de l'hôpital Parnet, explique le pourquoi de cette réduction. “Les raisons sont multiples. Certaines sont ponctuelles et d'autres seront, peut-être, plus durables. Quelques équipes du CHU n'ont pas poursuivi le premier élan et se sont arrêtées momentanément. Un fort ralentissement a été observé par d'autres équipes. En revanche, en 2010, trois nouvelles équipes ont démarré une activité de transplantation rénale. Il s'agit de deux hôpitaux militaires, celui d'Alger et d'Oran, ainsi que le nouvel EHU d'Oran. Il faut aussi souligner que cette année, le CHU de Blida a réalisé deux transplantations rénales à partir de cadavres. Ce qui relance, à point nommé, le débat sur le nécessaire élargissement de la source des donneurs d'organes aux personnes en état de mort encéphalique.” Parmi les raisons de la baisse du nombre de greffes du rein, le professeur Haddoum cite également une diminution du nombre de couples donneur-receveur “qui sont fin prêts à la greffe, la préparation à la greffe étant longue et nécessitant de nombreux bilans dont certains sont très coûteux ou tout simplement non disponibles momentanément. C'est, à mon avis, la principale raison. Il y a aussi les difficultés d'approvisionnement en médicaments et réactifs hautement spécifiques pour l'activité de la transplantation et une démotivation passagère des équipes de transplantation”. Ce néphrologue est à la tête de l'équipe ayant réalisé, en partenariat avec le CHU de Strasbourg de France et en collaboration avec les services de chirurgie vasculaire (Pr A. Bertal), anesthésie-réanimation (Pr A. Zerhouni) de l'EHS, Dr M-A. Maouche (ex-CNMS), les premières transplantations rénales d'enfants de petits poids (moins de 20 kg) en Algérie. Selon lui, “ces ralentissements ponctuels ont été constatés dans tous les pays qui ont un programme de transplantation en cours d'organisation et de développement. Il ne faut pas s'alarmer, c'est même l'occasion de faire l'audit de la situation et d'en tirer les enseignements”. Les ruptures récurrentes en médicaments spécifiques de la greffe ont causé le report des RDV. “Seulement, affirme le professeur, ces difficultés dans l'approvisionnement des médicaments de greffe ont été heureusement de courte durée et elles n'ont mis en danger ni la vie des patients, ni endommagé leur greffons.” L'activité de la transplantation peut être réalisée dans au moins une dizaine de structures hospitalo-universitaires, toutes dotées de moyens de haute technologie pour atteindre la barre des 200 greffes par donneur vivant et par an. Qu'est-ce qui cloche alors ? “Un programme prévisionnel pour les médicaments spécifiques est nécessaire. Il ne peut être improvisé”, martèle notre interlocuteur. En effet, en plus des pénuries récurrentes de médicaments et autres réactifs, se greffe l'absence d'encadrement juridique de l'activité de la transplantation. Aucune loi n'oblige un médecin à pratiquer à plein temps la greffe d'organe. C'est laissé à la bonne volonté de quelques équipes qui travaillent dans des conditions souvent très éprouvantes et qui peuvent continuer ou arrêter à tout moment. L'activité de transplantation d'organes, tissus et cellules n'est pas obligatoire en Algérie. “Face à une demande visible et croissante, l'offre de soins est actuellement insuffisante et pas assez organisée. Une équipe qui dépassera les 50 greffes d'organes par an doit être‘“autonomisée'' par les pouvoirs publics dans un centre spécialisé de greffes pour se consacrer à plein temps à son “nouveau métier”. Quand notre pays dépassera la barre des 200 transplantations rénales annuelles, il sera nécessaire de créer des centres régionaux pour mutualiser les efforts des équipes et concentrer les compétences. On doit se garder de ‘'créer'' et de ‘'monter'' des structures avant l'activité. La fonction crée l'organe, pas l'inverse.” Le professeur Haddoum plaide en faveur de la création d'une agence de transplantation dotée d'un règlement intérieur, un conseil d'administration, un conseil d'éthique et médical, un budget de fonctionnement et un personnel consacré exclusivement aux activités de transplantation. “C'est un programme ambitieux, certes, mais une ‘'formule'' qui fonctionne dans tous les pays qui ont su développer leur médecine de transplantation d'organes, tissus et cellules. N'oublions pas que notre objectif est de passer à 400 greffes annuelles.”