Son film Khouya est sélectionné à la 33e édition du Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand. Dans cet entretien, le réalisateur revient sur sa participation à ce festival et le thème principal de son film, à savoir la violence. Liberté : Khouya vient d'être sélectionné au 33e Festival international du court-métrage à Clermont-Ferrand, qui aura lieu du 4 au 21 février 2011. Que représente une telle participation pour un jeune réalisateur ? Yanis Koussim : J'ai toujours entendu parler de ce festival, tout le monde dit que c'est la Mecque mondiale du court-métrage, et que d'y être en compétition est déjà une fin en soi... Mais, sérieusement, je ne mesure pas encore vraiment l'ampleur de la chose. Je suis très heureux d'y participer, c'est sûr, mais j'ai l'impression que mon producteur l'est encore plus que moi ! Depuis sa sortie en 2010, votre film a pas mal tourné dans les différents festivals, remportant même des prix. Quel a été l'accueil du public, algérien et étranger ? Le film a toujours été très bien accueilli, surtout en Suisse et en Tunisie. En général, un sujet pareil ne peut laisser indifférent, mais ce qui m'a le plus fait plaisir, c'est le rappel des professionnels sur les qualités cinématographiques de Khouya. Des personnes que j'ai toujours admirées, et qui me félicitent pour mon travail, ça fait plaisir ! Pour ce qui est du public algérien, passée la fameuse barrière du “vous donnez une mauvaise image de l'Algérie”, le film plaît beaucoup ! On lui reproche sa violence parfois, et je l'assume totalement. Je ne me suis rendu compte moi-même de la violence des images que j'ai filmées que lors de la première projection à Alger. Le film avait été vu à Locarno, Namur, Carthage et Abu Dhabi bien avant, le fait de le voir parmi des Algériennes et des Algériens m'a ouvert les yeux sur cette violence que j'avais voulue, mais que je ne savais pas si dérangeante... À ce moment, je crois que j'ai été plus spectateur de mon film qu'autre chose, et je me suis dit : “Ce réalisateur va vraiment trop loin !” Le thème principal du film est la violence, un phénomène mondial. Dans Khouya, elle est trop présente et quelques scènes sont si oppressantes qu'on se pose des questions sur leur utilité... (Justification de la violence même si elle ne trouve aucune justification). Effectivement, le film est violent, il dérange. Imaginez ce que vivent tous les jours les femmes battues ! Nous, confortablement assis dans nos fauteuils, on ne supporte pas de voir la violence... Imaginez ceux qui vivent cette violence tous les jours, et qui la subissent ! C'est dans ce sens que je n'ai pas voulu épargner le spectateur, voulant presque lui faire physiquement ressentir les coups, c'est pour cela également que j'ai opté pour une mise en scène très réaliste. Pour moi, c'était trahir les victimes de violences domestiques que d'édulcorer leur calvaire dans mon film. Dans Khouya, les comédiennes dansent, chantent, s'amusent, il y en a même une qui part en virée nocturne en moto, malgré la menace du frère. N'est-ce pas là un paradoxe ? Durant les années du terrorisme en Algérie, les boîtes de nuit étaient ouvertes, les gens se mariaient, les plages étaient pleines... Oui, c'est paradoxal, mais c'est le paradoxe de la vie : plus nous sommes en danger, plus nous vivons et voulons vivre ! De plus, les sœurs dansent quand le frère n'est pas là. Quant à la virée nocturne, sa temporalité n'est pas forcement dans la chronologie des évènements de Khouya, c'est peut-être une virée dans la tête du personnage... Quelle a été la scène la plus difficile à tourner dans votre court-métrage ? Celle de la danse. Il y avait plusieurs paramètres techniques et artistiques qui devaient entrer en jeu simultanément et de manière parfaite. Ça nous a pris deux jours.