“Je veux mon fils, je veux l'enterrer afin que ma colère se taise et que je puisse faire mon deuil. D'abord, on nous affame et maintenant, on tue mon enfant”, dit Mme Akriche Fatiha dans un sanglot. Mère de six enfants, elle vient de perdre son fils Abdelfateh, touché par une balle lors des émeutes de vendredi dernier. “Il n'a rien fait, il a disparu trop tôt”, ajoute-t-elle. L'ambiance est plutôt morose, un silence pesant règne dans le quartier Bichou sur les hauteurs de Bou-Ismaïl, dans la wilaya de Tipasa. De temps en temps, le silence est entrecoupé par des chuchotements de voisins venus présenter leurs condoléances à la famille Akriche, parfois aussi par des cris ou des sanglots des membres de la famille. Une seule version des faits se répète à longueur de journée. “Il a été tué. Qu'on ne me raconte pas de salades, c'est le plus sage de mes enfants”, nous dira Hassen Akriche, le père. En réponse aux déclarations officielles, il a tenu a préciser que son fils n'a pas été retrouvé mort dans la rue. “Il est mort dans les bras de son jeune frère, Djelloul”, martèle-t-il. Selon les témoignages de sa famille, la victime, âgée de 32 ans, qui exerçait comme agent de sécurité à l'entreprise nationale Naftal, n'avait rien à voir avec les émeutes de vendredi. Il est sorti récupérer son jeune frère qui n'était pas encore rentré. C'était vers 22h, Abdelfateh était à la maison en train de regarder la télévision lorsque des tirs de sommation en été entendus, nous raconte la sœur de la victime. Abdelfateh se rend compte que son frère Djelloul, 22 ans, n'était pas encore rentré et décide alors d'aller le chercher avant que les choses ne dégénèrent. “Il est tombé dans mes bras, il m'a récupéré au centre-ville et on rentrait à la maison. Il me grondait et me reprochait d'être resté dehors jusqu'à 22h. Lorsqu'on est arrivé du côté du dispensaire, pas très loin de la maison, nous avons trouvé des affrontements. Il y avait des coups de feu, une balle a ricoché et mon frère l'a reçue à la tête. Il est mort dans mes bras. Les pompiers sont arrivés et l'ont transporté à l'hôpital”, témoigne Djelloul. L'information a vite fait le tour du quartier mais ce n'est que vers 23h30 que la famille Akriche a confirmé le décès de son fils. “Il faut arrêter de raconter des mensonges, le PV de la police fait état d'une tentative d'attaque du commissariat de Bou-Ismaïl, alors qu'il est tombé pas très loin de la maison. Je veux connaître la vérité et que justice soit faite”, réclame le père de la victime. La famille s'insurge contre les autorités qui refusent de donner des informations concernant cet incident et réclame la dépouille de la victime. “Cela fait 22 ans qu'on vit dans la misère et maintenant on subit une telle injustice. Il est où le gouvernement dans ce pays”, nous dira Djelloul. La dépouille de la victime est encore à la morgue de l'hôpital de Blida alors que l'enterrement est prévu probablement pour aujourd'hui.