Résumé : Anéantie par le chagrin, Fettouma tente tant bien que mal de supporter sa peine. Elle est désorientée et ne sait comment affronter son entourage. Elle se rend dans la grande pièce et entreprend de préparer le dîner. Mais le courage lui manque et elle éclate en sanglots. 55eme partie La jeune femme n'ayant plus le choix, se lève et donne la lumière. Lla Kheira contemplé son visage défait, qui ne cachait plus rien de son chagrin, et les traces de larmes qui sillonnaient ses joues. - Un malheur est-il arrivé ? - Fettouma ne put répondre. Elle sanglotait maintenant sans retenue et ses pleurs alertèrent les voisines. Quelques femmes accoururent. Lla Z'hor, alarmée, eut du mal à passer pour entrer dans la grande pièce. - Lla Kheira ? Fettouma ? Mais que se passe-t-il donc ? Pourquoi ces pleurs et ces sanglots, ma fille. Lla Kheira se laisse retomber, la tête pendante sur son lit. Elle venait de tout comprendre et avait perdu connaissance. On s'empresse autour d'elle pour la réanimer, mais la vieille dame semblait si mal en point qu'on comprit tout de suite que seul un médecin pouvait la tirer d'affaire. Si Ahmed et Si Tayeb revenaient de la mosquée, et furent surpris par tout ce monde qui se trouvait dans la pièce principale du rez-de-chaussée. Ils se frayèrent un chemin, et le spectacle qui s'étala devant leurs yeux les laissa perplexes un moment. Reprenant ses esprits plus rapidement, Si Ahmed prit les choses en main. Il demande tout d'abord à un jeune homme d'aller chercher en urgence un médecin car Lla Kheira allait de plus en plus mal. Puis il se retourna vers sa fille et Lla Z'hor, qui enlacées, pleuraient à fendre l'âme. Si Tayeb s'était laissé choir sur une chaise, et avait pris sa tête entre ses mains sans prononcer un mot. Son chagrin était si profond et si palpable qu'une atmosphère de tristesse avait imprégné les lieux. Nul n'avait besoin de mots pour comprendre l'ampleur du drame qui s'était abattu sur toute la famille. Tout le monde avait compris. Mahmoud était mort en héros, les armes à la main. Une voisine pousse un long youyou ce qui accentua les sanglots de Fettouma. On l'entoura et on tenta de la consoler. Les enfants furent emmenés par Si Ahmed chez une voisine du premier étage, mais Rachid qui allait maintenant sur ses 13 ans, refusait de s'éloigner de sa mère. Nacer et Meriem, pleuraient sans raison. Ils n'avaient bien sûr rien compris à cette situation, mais l'un prenant modèle sur l'autre, ils s'étaient sentis mis à l'écart, et avaient très mal pris la chose. La maison se remplissait de minute en minute. Le médecin arrivé sur les lieux évacua tout le monde. Seul Si Tayeb était autorisé à rester auprès de sa femme. Lla Kheira respirait difficilement. Elle avait les yeux clos et les bras ballants. Le médecin l'ausculta minutieusement puis hocha la tête d'un air sérieux : - Votre femme a reçu un choc, lance-t-il à l'intention de Si Tayeb, un choc violent. Etait-elle déjà malade auparavant ? Si Tayeb les yeux exorbités répondit par la négation d'un signe de sa main. Le médecin comprit qu'un drame venait de se produire : - Vous avez perdu un être cher ? C'est ça ? - Oui, répondit le vieil homme dans un souffle, notre fils, notre fils unique. Le médecin français baisse les yeux et se met à rédiger une ordonnance : - Cette guerre fait tous les jours des victimes, lance-t-il avant de la tendre à Si Tayeb. Je suis un pacifiste monsieur, je n'aime ni la violence ni l'injustice. C'est vraiment malheureux de voir tous les jours du sang couler à flot, des hommes mourir à la fleur de l'âge et des familles anéanties par le chagrin. Courage, mon vieux, tout cela prendra fin un jour. En attendant, achetez tout de suite à votre femme ces médicaments, elle en aura besoin pour un bon bout de temps. Elle est sous le choc et son cœur menace de lâcher. (à suivre) Y. H.