Devant le renouvellement au quotidien des manifestations exigeant le départ de Moubarak, malgré le couvre-feu, et face aux pressions internes et externes qui s'amplifient et se multiplient, Moubarak paraît de moins en moins capable de résister à la colère de la rue qui rentre aujourd'hui dans son 7e jour. Alors que des pays, notamment la Turquie et les Etats-Unis, prennent leurs dispositions pour évacuer leurs ressortissants d'Egypte en raison de l'insécurité qui y règne depuis une semaine maintenant, Hosni Moubarak refuse d'écouter la rue qui demande son départ et rien d'autre. Apparemment, il est prêt à toutes les conséquences pour garder son fauteuil présidentiel. Ni les morts, dont le nombre a largement dépassé la centaine, ni les appels pressants de ses homologues, notamment occidentaux, ne semblent avoir d'effet sur lui. Pour vraisemblablement effrayer les manifestants, des avions de chasse de l'armée de l'air égyptienne ont effectué plusieurs passages à basse altitude au-dessus du Caire. Dans l'espoir de réduire l'impact des médias sur les manifestants, il a fermé hier l'espace égyptien à la chaîne d'informations qatarie al-Jazeera, qui a largement couvert les manifestations contre son régime. Réagissant à cette interdiction, les responsables de la chaîne ont affirmé que la décision des autorités égyptiennes d'interdire la chaîne satellitaire du Qatar de couvrir les manifestations visait à “faire taire le peuple égyptien”. Ceci étant, les Frères musulmans et d'autres mouvements d'opposition égyptiens ont chargé l'opposant Mohamed El-Baradeï de “négocier” avec le régime du président Hosni Moubarak, a déclaré un dirigeant de la confrérie. La Coalition nationale pour le changement, qui se regroupe autour de l'opposant Mohamed El-Baradeï, dont les Frères musulmans et plusieurs formations d'opposition, a chargé l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique de “négocier avec le pouvoir”, a affirmé Saâd al-Katatni. L'ex-patron de l'AIEA est arrivé en fin d'après-midi à la place Tahrir, au Caire, où il a rejoint les manifestants. Ainsi, des milliers de manifestants continuaient à affluer hier vers le centre du Caire pour participer à une nouvelle journée d'une révolte qui ne semble pas faiblir malgré les changements intervenus à la tête du gouvernement. “Le peuple veut la chute du régime”, “Moubarak dégage !”, scandaient toujours les manifestants qui se rassemblaient à la mi-journée à Midan Ettahrir, (la place de la libération), dans le centre de la capitale qui vit depuis mardi au rythme d'une contestation sans précédent du président Hosni Moubarak au pouvoir depuis 30 ans. À Suez, à l'est du Caire, quelque 500 manifestants se sont rassemblés. Dans la ville de Mansoura quelque 5 000 manifestants affluaient vers le siège du gouvernorat, affichant leurs revendications sur des pancartes signées des “Jeunes d'Egypte”, exigeant notamment le départ du président Moubarak et de tous les symboles du régime. Plusieurs milliers de prisonniers se sont évadés de prison dans la nuit après une émeute dans la prison de Wadi Natroun, à 100 km au nord du Caire, selon une source au sein des services de sécurité. Trente-quatre Frères musulmans, dont des membres du bureau politique, qui étaient internés dans cet établissement pénitentiaire, abandonné par ses gardiens, ont pu sortir, selon l'avocat de la confrérie islamiste. Des dizaines de corps gisaient sur la chaussée près de cette prison où une émeute avait eu lieu dans la nuit et des coups de feu tirés au cours de l'évasion des prisonniers. Quatorze ont été emmenés dans une mosquée proche, et il y aurait “beaucoup d'autres”, selon les habitants. Sur un autre plan, le gouvernement américain recommande à ses ressortissants d'éviter de se rendre en Egypte en raison des troubles dans ce pays, a annoncé hier le département d'Etat. Les Etats-Unis ont également autorisé le départ d'Egypte des familles des membres de l'ambassade américaine et du personnel non essentiel. “Le département d'Etat recommande aux ressortissants américains d'éviter de voyager pour aller en Egypte en raison des troubles politiques et sociaux en cours”, selon des conseils aux voyageurs donnés par le ministère américain. De son côté, la Turquie a annoncé qu'elle allait dépêcher trois avions en Egypte pour assurer le rapatriement de ses ressortissants, a rapporté l'agence de presse Anatolie. À la demande de la cellule de crise du Premier ministère et du ministère des Affaires étrangères, Turkish Airlines s'apprêtait à faire décoller deux avions à destination d'Alexandrie et un autre pour le Caire, ont indiqué des responsables de la compagnie aérienne publique à Anatolie. La Libye a mis en place aussi un pont aérien pour assurer le rapatriement de ses ressortissants se trouvant en Egypte, a-t-on appris de source aéroportuaire à Tripoli.