Séquestration pour viol et incitation à la prostitution, kidnapping pour récupérer un dû en réclamant une rançon, enlèvement de mineurs en vue de leur soutirer des renseignements sur des proches et des camarades de classe pour des raisons encore occultes. Ce sont là les motifs apparents des affaires sur lesquelles se prononcera le tribunal criminel dans les prochaines semaines. Un bilan établi par la Gendarmerie nationale, au début 2010, faisait état de la montée en flèche du phénomène de kidnapping suivi assez souvent de séquestration, de demande de rançons et de viol. Ceci outre les enlèvements liés au terrorisme. Nombreuses sont les enquêtes fructueuses qui ont permis de mettre la main sur les auteurs des kidnappings et de faire enclencher la machine judiciaire. Le tribunal criminel de la cour d'Alger devrait, justement, statuer durant la première quinzaine de ce mois sur trois dossiers liés aux enlèvements et autres séquestrations qui n'ont rien à voir avec le terrorisme. En effet, la lecture des arrêts de renvoi et autres documents des différentes institutions, chargées de faire les investigations, nous renseigne sur les motifs et les conditions de ces enlèvements. Les nouvelles technologies constituent des armes à double tranchant. La facilité avec laquelle des enfants mineurs accèdent à Internet sans contrôle parental aucun et la mise à la disposition de ces enfants d'un téléphone portable, également sans surveillance, les rapprochent des bandes spécialisées dans les kidnappings qui agissent sur la Toile et harcèlent ces mineurs via leurs lignes téléphoniques. En effet, c'est en fréquentant un cybercafé de leur quartier en vue de tchacher en ligne qu'un groupe de lycéens de la capitale est tombé dans les filets d'une de ces bandes en 2009. Quand le kidnappeur tchatche avec sa victime Selon les révélations de l'un d'eux, c'est en répondant à un message supposé avoir été envoyé par une jeune fille que la galère de deux camarades de classe a commencé. “En sortant du cybercafé pour rentrer chez moi, un individu m'a surpris dans la cage d'escalier et m'a brutalisé avant de me faire boire un liquide bleuâtre. Il se trouve que mon copain a été également victime de la même personne”, révèle la victime. Et d'ajouter que le lendemain, il a été suivi par la même personne qui se trouvait à bord d'un véhicule en compagnie de deux autres personnes. Il sera enlevé et sous la menace d'une arme blanche, les trois individus, des barbus, lui montraient des photos de lycéens en lui demandant des renseignements à leur propos et à chaque refus la lame du couteau blessait son corps tremblant de peur. Il sera jeté de la voiture à Belcourt. Une autre fois, les mêmes individus le font monter de force dans une petite camionnette, lui montrent une photo d'un parent à lui. En refusant de leur dire quoi que ce soit à son propos, ils l'ont poignardé et laissé sur la place du 1er-Mai. Entre les deux enlèvements, le lycéen et d'autres camarades recevaient souvent des menaces de mort par SMS ou tout simplement des coups de téléphone bizarres d'un numéro qui s'est révélé être celui de l'un des membres de la bande. Ces derniers ont, évidemment, tout nié mais les investigations des enquêteurs ont abouti à des preuves concordantes. Les questions qui restent posées sont : quel est le motif de l'enlèvement cyclique et les menaces sur ces mineurs ? Que visaient-ils en enlevant des lycéens pour leur demander des renseignements sur des proches et des camarades ? Le procès des quatre accusés, prévu le 14 février prochain, pourrait probablement apporter des éclaircissements sur les véritables motifs de cet acte. La chasse aux “candidates” à la prostitution Contrairement à la première affaire, le kidnapping de la jeune lycéenne avait pour seul et principal motif sa séquestration dans une maison de débauche pour en abuser sexuellement. Tout a commencé via le téléphone portable. La fille était en contact permanent avec celui qui se présentait comme le tant attendu prince charmant qui s'avérera être en contact avec une propriétaire de maison de débauche. Sa mission était de séduire des jeunes filles et leur proposer les services de la patronne. En allant au rendez-vous qu'il lui a fixé, la lycéenne était loin de se douter que le 31 mars 2008 resterait à jamais une date maudite qui brisera son avenir. Ne pouvant pas se déplacer, le fameux “prince charmant” lui envoie deux copains qui la récupèrent devant le lycée. “Ils m'ont dit que c'est lui qui les a envoyés et je suis montée dans leur voiture”, avoue-t-elle naïvement. Elle se rendra compte, quelques heures plus tard, de sa grosse erreur quand son copain, qui rejoint le groupe à la place des Martyrs, refuse de la déposer chez ses parents mais donne un coup de fil pour voir si l'appartement est prêt. De maison en villa et d'un quartier à l'autre, la lycéenne subit toute sorte d'abus et de violences sexuelles. Elle sera tabassée et brûlée avec des mégots de cigarette chaque fois qu'elle hurle de douleur ou refuse d'assouvir les besoins bestiaux de ses nombreux violeurs par jour. “On me force à prendre de l'alcool en grande quantité et toute sorte de drogues”, avoue-t-elle. Ses parents frappaient à toutes les portes pour retrouver sa trace. La crainte que les recherches aboutissent a contraint la patronne de la maison de débauche, quatre longs mois plus tard, à contacter les parents en leur promettant de leur rendre leur fille à condition de ne pas avertir la police. Ce qui sera fait au début du mois de juillet 2008. Droguée, blessée dans son âme et son corps, la jeune fille est suivie à ce jour par un psychologue. Les renseignements qu'elle a pu donner aux enquêteurs leur ont permis d'arrêter trois personnes impliquées. Le procès est prévu le 8 février prochain. Un enlèvement pour récupérer son dû Les faits de la troisième affaire, liée au kidnapping et enregistrée au rôle de la première session criminelle 2011, remontent au 24 janvier 2010 quand l'oncle paternel du jeune kidnappé reçoit la visite d'un groupe d'individus l'informant de l'enlèvement de son neveu et d'une demande de rançon de 100 millions de centimes. Le jeune homme “sera séquestré pendant dix jours dans une maison en construction, située à quelques encablures de l'hôpital Frantz-Fanon de Blida” où il sera également torturé, selon ses révélations. Les quatre accusés auraient opté pour la formule de l'enlèvement pour pouvoir récupérer un dû de 70 millions de centimes qui aurait été volé par la victime. La victime devait faire parvenir la somme détournée à un ressortissant africain cambiste établi en Algérie. “Mais en arrivant au lieu de rendez-vous, le ressortissant africain est arrivé avec un autre et subitement une bagarre a éclaté entre les deux. Je me suis alors enfui mais le ressortissant a eu le temps de récupérer son argent.” Ce qu'il a évidemment nié en affirmant à ses acolytes que le jeune intermédiaire ne lui a jamais remis la somme d'argent et qu'il fallait le kidnapper et demander une rançon à ses parents. Ce type d'affaires est en progression et la Toile reste le principal espace de “recrutement” de jeunes lycéennes qui n'ignorent pourtant pas que les discussions en ligne peuvent s'avérer très dangereuses.