Plusieurs intervenants, lors de la rencontre, ont soulevé des incohérences et des contradictions qui pèsent sur certaines mesures fiscales et qui n'obéissent à aucune logique économique. Le Conseil national de la fiscalité, inactif depuis sa création il y a dix ans, sera opérationnel dans les prochains mois, a annoncé, hier, le directeur général des impôts, Abderrahmane Raouya, lors d'une rencontre organisée, hier, par le ministère des Finances avec les opérateurs économiques, consacrée aux dispositions de la loi de finances 2011 (LF2011). “Ce conseil n'a malheureusement pas activé en raison de problèmes d'ordre technique”, a répondu le directeur général des impôts à une question d'un opérateur économique. Pour les chefs d'entreprise, ce conseil est le lieu approprié pour débattre des dispositions fiscales des lois de finances. La structure sera “un espace d'échange entre l'administration fiscale et les partenaires économiques et sociaux qui viendront débattre de leurs difficultés et problèmes en relation avec le système fiscal”, précise M. Raouya, d'autant que certaines mesures, prises sans aucune concertation avec les acteurs économiques, suscitent légitimement de profondes inquiétudes au sein de la communauté des chefs d'entreprise. “Que faut-il faire pour que les entrepreneurs arrivent à être entendus par les décideurs ?” s'est interrogé le patron de Cevital, pour qui la fiscalité est un instrument de régulation d'une économie. “Le problème ne se pose pas au niveau de l'expertise fiscale. Nous avons d'excellents fiscalistes. Le gros problème, ce sont des décisions prises à un certain niveau sans consulter les opérateurs économiques et, quelquefois, sans même prendre l'avis des experts en fiscalité”, précise M. Issad Rebrab, relevant quelques incohérences au niveau de la fiscalité. Le patron de Cevital cite l'exemple de l'impôt sur les bénéfices réinvestis. “Aujourd'hui, je ne pense pas que par rapport à 1992, l'Algérie rencontre des problèmes pour clôturer son budget. En 1999, l'impôt sur les bénéfices réinvestis n'était que de 5% et celui des bénéfices distribués était de 45%. Quelle est la logique économique qui fait qu'aujourd'hui, on remontre l'impôt sur les bénéfices réinvestis et on diminue l'impôt sur les bénéfices distribués ?” se demande M. Rebrab. “Si l'on veut consolider nos entreprises, les pousser à investir, il faut leur laisser suffisamment de fonds”, préconise-t-il. “Quand il y a une croissance du chiffre d'affaires, il y a automatiquement croissance de l'emploi et de la fiscalité”, explique-t-il. Mais la plus grande incohérence, signalée par le patron de Cevital, renvoie aux dernières mesures prises par le gouvernement pour réguler le marché, notamment celles concernant le sucre. “Dans le monde entier, sans exception, quand un pays fabrique un produit de qualité en quantité suffisante et qu'il est exportateur, il protège ce produit contre la concurrence”, affirme M. Rebrab. L'Europe, à titre d'exemple, n'a pas hésité à imposer une taxe spécifique de 100% sur le sucre blanc en provenance de pays comme l'Algérie pour protéger ses producteurs. “Chez nous, il y avait 30% de droit de douanes, on les a éliminés”, regrette le patron de Cevital. Ce faisant, “on a encouragé plutôt les importateurs au détriment des producteurs”, estime-t-il, s'interrogeant sur la logique économique qui a présidé à la prise de ce type de mesures. “Aujourd'hui, en encourageant les importateurs, la facture alimentaire sur ce produit va augmenter de 235 millions de dollars. C'est ce que la production nationale pour ce produit a économisé en 2010 à l'économie algérienne. Si l'Etat ne prend pas des dispositions immédiates, il y aura plus d'un millier de chômeurs en plus d'ici deux mois”, souligne M. Issad Rebrab. Pour lui, “il est impératif de revoir la situation, et cela ne peut pas attendre le 31 août”. Le patron du groupe Cevital n'a pas été le seul à soulever des incohérences dont certaines dépassent le cadre du ministère des Finances. C'est le cas des subventions des prix de certains produits. Pour Mouloud Hedir, économiste et consultant au Forum des chefs d'entreprise, ces subventions s'apparentent à des subventions accordées aux exportations étrangères, alors qu'en parallèle, on veut réduire les importations. Il y a aussi le Crédoc qui “n'est pas fait pour réduire les importations”, le Conseil de la concurrence qui n'est pas mis en place, le décret des marchés publics qui renvoie à 34 textes d'application… Autant de mesures qui suscitent des incompréhensions et des incompatibilités entre les finalités recherchées et les modalités pratiques de leur mise en œuvre. D'où la nécessité d'une concertation permanente entre les administrations économiques et les chefs d'entreprise, pour que l'entreprise soit “placée au centre des politiques économiques”, d'autant que sur le plan macroéconomique, les clignotants sont au vert. En effet, le directeur général de la prévision et des politiques au ministère des Finances, M. Abdelmalek Zoubeidi, a indiqué que l'assise financière interne et externe du pays “est aujourd'hui en mesure de conduire le programme d'investissement public 2010-2014 dans de bonnes conditions”. Les disponibilités du Fonds de régulation des recettes ont atteint 4 800 milliards de DA à fin décembre 2010. Les réserves de changes, qui mesurent la capacité d'importation du pays, se positionnent au-delà de 150 milliards de dollars, soit trois années d'importation de biens et services. Il ne reste donc qu'à s'occuper de l'entreprise.