Photo : S. Zoheir Par Youcef Salami Issad Rebrab, président-directeur général du groupe Cevital, se montre critique sur les récentes mesures prises par le gouvernement en conseil interministériel pour apaiser le front social. Adoptées en réaction aux émeutes qui avaient émaillé plusieurs régions du pays, début janvier dernier, les décisions ont porté sur les prix des huiles végétales et du sucre ainsi que l'élimination d'un ensemble de taxes. Une approche à polémique ? En supprimant trente pour cent de taxes douanières à l'importation, l'Etat mettrait à mal et la production et les entreprises nationales, relève Issad Rebrab qui fait allusion à l'importation de sucre. Il s'exprimait lors d'une réunion organisée hier au siège du ministère des Finances, consacrée aux différentes dispositions contenues dans la loi de finances 2011, et qui a regroupé des opérateurs économiques et des représentants de l'administration financière et fiscale. Aussi, le patron de Cevital avertit que si les pouvoirs publics ne prennent pas les mesures qui s'imposent, un millier de salariés seront mis au chômage dans les deux mois à venir. Issad Rebrab remonte le temps et rappelle que l'envolée des prix des produits de large consommation, les huiles et le sucre en tête, début janvier, n'a rien à voir avec l'offre, puisqu'il n'y avait pas de pénurie, et que Cevital exporte certains produits, faisant gagner de la devise au pays. Mouloud Hadir, expert au Forum des chefs d'entreprise (FCE), partage ou presque le point de vue de Rebrab, soulignant qu'en supprimant les taxes à l'importation, l'Etat est en train de subventionner les exportations d'autres pays. «Ce n'est pas normal», a-t-il dit. Mouloud Hadir ajoutera, par ailleurs, que le crédit documentaire, une disposition à controverse énoncée dans la loi de finances complémentaire 2009, n'a pas permis de faire baisser la facture des importations, estimée à 40,2 milliards de dollars en 2010. Il a évoqué également des questions liées à l'investissement, à l'exemple du foncier. Cependant, une question : les décisions tranchées en conseil interministériel seront-elles prorogées ? A priori, non. La question est toutefois posée au directeur général des impôts, Mohamed Raouia. Celui-ci déclare qu'il n'est pas plus éclairé sur ce dossier, ajoutant : «On fera des évaluation et on verra.» Le paiement par chèque est un autre élément du débat lors de la réunion d'hier. La procédure de paiement par chèque remise au lendemain et son rapport avec l'article 32 de la loi de finances ont été soulevés par Slim Othmani, qui estime que la problématique de l'approvisionnement des grossistes va se reposer dans quelques mois. Il a souligné, dans ce chapitre, qu'il ne faut pas diaboliser l'économie informelle mais la gérer de manière à ce qu'elle n'affecte pas l'économie structurée. En réponse à cette interrogation, Mustapha Zekara, directeur de la législation et de la règlementation fiscale à la Direction des impôts, explique que l'article 32 n'est pas lié au report de l'application de la disposition du paiement par chèque programmée pour mars prochain. Cet article a été introduit pour déterminer la traçabilité d'une transaction commerciale et lutter contre la fraude. D'autres questions se rapportant au budget de l'Etat, au Fonds de régulation des recettes, à l'impôt sur les bénéfices, au rôle de l'entreprise dans la croissance économique, aux secteurs hors hydrocarbures et à la politique de change… ont été discutées aussi à l'occasion de cette réunion jugée intéressante par les participants. Y. S. Le Conseil national de la fiscalité bientôt opérationnel Le Conseil national de la fiscalité, inactif depuis sa création il y a dix ans, sera opérationnel dans les prochains mois, a annoncé hier le directeur général des impôts, Abderrahmane Raouia, en marge de la rencontre avec les opérateurs économiques : «Ce conseil n'a malheureusement pas vu le jour en raison de problèmes d'ordre technique. Nous ferons le nécessaire pour le relancer et le mettre en œuvre dans les prochains mois.» La structure sera «un espace d'échanges entre l'administration et les partenaires économiques et sociaux qui viendront débattre de leurs difficultés et problèmes en relation avec le système fiscal», a-t-il précisé, ajoutant que la DGI ne comptait pas assurer sa présidence «parce qu'elle préfère laisser les professionnels s'exprimer pour pouvoir les éclairer et leur donner les explications nécessaires». M. Raouia a, par ailleurs, indiqué que les recouvrements de la fiscalité ordinaire en 2010 ont dépassé 1 500 milliards de dinars, en hausse de 20% par rapport à 2009. Cette fiscalité, qui représente la fiscalité ordinaire de l'Etat ainsi que les ressources fiscales recouvrées au profit des collectivités locales et des Fonds spéciaux, avait dépassé 1 200 milliards de dinars en 2009.