Parce qu'il a été de toutes les causes justes, Ali Yahia Abdenour, militant infatigable des droits de l'homme et président d'honneur de la Laddh, s'est tout naturellement retrouvé au sein de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), née au lendemain des violentes émeutes qui ont secoué, au début de janvier, plus de trente villes algériennes. Du haut de ses 84 ans, il s'est investi corps et âme dans cette dynamique unitaire qui vise à imposer un changement de système politique en Algérie. Dans ce nouveau combat, Me Ali Yahia a choisi un slogan : “Les jeunes aux commandes”. De son point de vue, les élites doivent accompagner les jeunes, garçons et filles, qui “veulent un changement de système parce qu'ils savent que leurs revendications ne seront jamais satisfaites par celui en place”. Maître Ali Yahia ne comprend pas que certains rechignent encore à rejoindre le mouvement en marche en arguant ne pas y être associés. “Il y a des personnes qui disent qu'elles ne sont pas invitées. C'est un appel à tous les Algériens et tout le monde doit participer. Il ne faut pas que la susceptibilité prenne le pas sur l'essentiel, le peuple doit se rassembler autour d'une solution”, remarque-t-il. Avant de préciser davantage sa pensée : “Le mouvement n'a ni zaïm ni tête pensante. C'est une révolution populaire, et tout le monde doit se mettre derrière les jeunes. Ils sont majeurs et vaccinés, et une fois le système abattu, c'est eux qui vont faire appel à l'intelligentsia pour mener à bon port la période de transition. Après, c'est au peuple de désigner ses représentants par des élections libres.” Et Me Ali Yahia de se féliciter de cette “accélération de l'histoire” que connaît l'Algérie et d'autres pays du Sud. “L'Algérie est comme un train en marche qui est arrivé à destination. Tout le monde doit descendre, y compris le conducteur. Cette accélération de l'histoire ne concerne pas seulement les dictateurs, mais tout le monde. Malheureusement, il y a certains qui veulent se mettre tout de suite à la tête de la locomotive. D'autres veulent prendre le train en marche et d'autres encore veulent courir plus vite que la locomotive en assurant qu'il leur appartient d'encadrer la révolution de la jeunesse en oubliant que pendant douze ans, ils ont servi corps et âme le pouvoir”, analyse-t-il. Ne craint-il pas que le pouvoir recourt à la force pour empêcher la marche du 12 février ? “Le pouvoir privilégie jusqu'ici la "sécuritocratie" en mettant en avant le ministère de l'Intérieur. Il doit enfin comprendre que ces jeunes qui vont marcher sont des enfants du peuple et il ne peut pas tirer sur le peuple”, répond Me Ali Yahia. À ses yeux, l'interdiction d'organiser des marches à Alger est “anticonstitutionnelle”, car “elle est en contradiction avec certaines dispositions de la Constitution garantissant les libertés individuelles et collectives, ainsi que la liberté d'expression et de conscience”. “Le régime foule au pied ses propres lois. Mais que fait le Conseil constitutionnel ?” s'interroge-t-il.