“On prie Dieu pour sortir de cet hôpital indemne avec l'espoir de ne plus y retourner, pour ne pas être accueilli derechef par une nuée de mouches tournoyant dans un air fétide et désagréable à respirer.” À l'heure où l'on avance des chiffres satisfaisants sur les réformes des établissements hospitaliers, on continue à faire des constats des plus accablants dans certains hôpitaux qui se trouvent dans une situation infirmant toutes les mesures prises par l'Etat dans le cadre de sa politique de développement. L'hôpital de la wilaya de Tamanrasset en est un exemple éloquent. Le manque de médecins spécialistes et d'infirmiers brevetés n'est plus à l'ordre du jour, car, on y accédant, on se croirait dans un établissement à n'importe quelle vocation sauf hospitalière. On évolue dans une saleté atterrante. L'impropriété de la literie et les odeurs pestilentielles qui se dégagent de certains endroits font montre du laisser-aller et de la défaillance totale des services d'hygiène, à tel point que l'on craint rendre visite à un malade proche pour éviter d'éventuelles contaminations. “Les patients admis souffrent éperdument de ce problème, car, en espérant un rétablissement à fond de train, ils se trouvent exposés aux risques d'infections et de maladies probablement plus graves que celle pour laquelle ils sont hospitalisés”, se désole un malade rencontré au service des urgences. Au service des parturitions et de maternité, où nous nous sommes rendus, le constat est encore plus bouleversant, contraignant ainsi les parturientes à tout ramener de chez elles que d'accoucher dans des conditions, le moins que l'on puisse dire, éprouvantes. Des seringues usagées sont laissées sur les tablettes à manger. Les murs sont d'une couleur noirâtre et maculés de sang. La lingerie est sale et crasseuse. “Les sanitaires ressemblent plutôt à un abattoir, et c'est nous qui sommes contraintes de faire le nettoyage, notamment après les hémorragies puerpérales. Ne restez pas pantois si l'on vous dit que les robinets sont souvent à sec, et c'est avec des bouteilles d'eau minérale qui nous sont servies au menu du jour que nous effectuons le nettoyage”, se lamente une parturiente primipare qui en est à son troisième jour d'hospitalisation. “Avoir une atonie utérine ou une rétention fœtale généralement due à l'accouchement n'est plus un souci s'il l'on tient compte de ces conditions qui nous laissent sombrer dans un climat d'anxiété et de frousse. On prie Dieu pour sortir de cet hôpital indemne avec l'espoir de ne plus y retourner, pour ne pas être accueilli derechef par une nuée de mouches tournoyant dans un air fétide et désagréable à flairer”, clame une autre malade qui nous invite à voir le repas qui lui est servi au déjeuner. Un plat constitué du riz, d'une petite salade et, comme dessert, une pomme à moitié avariée, que nous avons montrée à tous les responsables, notamment au surveillant général, histoire de rappeler leurs engagements relatifs aux prestations et leur volonté exprimée quant à la bonne prise en charge nutritive des malades justifiant leur interdiction de la nourriture ramenée par les visiteurs. Ce qui est en plus traduit officiellement dans des notes placardées dans ledit service où l'on aperçoit plus de chats que de médecins. “C'est un parc zoologique”, lance le médecin de garde à l'adresse du chef de service, tout en manifestant un mécontentement à peine contenu à l'idée de travailler dans un établissement où des lois contraires à l'éthique de la médecine sont aveuglément adoptées, à l'exemple de cet agent de sécurité qui se permet de s'adresser à un médecin gynécologue en lui criant dessus pour imposer sa propre loi au lieu d'accomplir les tâches qui lui ont été assignées. Un comportement inadmissible qui appuie infailliblement le départ des médecins spécialistes affectés dans cette wilaya de l'Algérie profonde.