La concrétisation du projet de Nicolas Sarkozy d'une Union pour la Méditerranée s'éloigne un peu plus avec ces révolutions, qui secouent la rive sud de la grande bleue, notamment la chute inattendue de Moubarak, le coprésident de l'UPM. Après le blocage total du processus de paix israélo-palestinien à cause de l'intransigeance de l'Etat hébreu sur les questions des réfugiés palestiniens, de la colonisation et du statut de Jérusalem, dont les conséquences ont été le report sine die du deuxième sommet de l'UPM, ce fut ensuite à la crise au Liban, la brouille entre l'Algérie et le Maroc sur la question du Sahara occidental, et la démission, en janvier dernier, du secrétaire général jordanien de l'UPM, Ahmad Massa'deh, d'ankyloser davantage cette structure. Le coup de grâce est apparemment venu avec le départ du président égyptien, Hosni Moubarak, coprésident de l'Union pour la Méditerranée, sur lequel Nicolas Sarkozy fondait d'immenses espoirs pour faire avancer la machine. Faut-il croire que l'UPM sera une victime collatérale des soulèvements populaires touchant des pays de la rive sud de la Méditerranée ? C'est du moins ce qu'a déclaré un membre du gouvernement français : “L'UPM est la victime collatérale de la chute de Moubarak et aussi du président tunisien Ben Ali, qui en étaient tous deux des piliers fondateurs. L'édifice est secoué, affaibli, pourtant on n'en a jamais eu autant besoin.” Devenu coprésident de cette organisation avec Nicolas Sarkozy, l'ex-président égyptien, en raison de son poids politique dans la région, de ses relations tant avec Israël qu'avec les Palestiniens, était incontournable aux yeux du président français pour la réussite du projet. Mais celui-ci s'était déjà effiloché au fil du temps. S'imaginant en “faiseur de paix”, Nicolas Sarkozy avait lancé cet ambitieux projet euroméditerranéen en grande pompe le 13 juillet 2008. “On en avait rêvé, ce rêve devient réalité”, avait-il déclaré, devant un parterre d'une quarantaine de dirigeants européens et de la rive sud de la Méditerranée, y compris des chefs d'Etat arabes, le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le Premier ministre israélien de l'époque, Ehud Olmert. À la clé, de nombreux projets étaient annoncés pour permettre aux pays du Sud de se développer : plan pour l'énergie solaire, dépollution de la mer Méditerranée, autoroutes maritimes et terrestres, énergies alternatives, formation professionnelle, renforcement de la protection civile... Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? “L'UPM tourne au ralenti, mais on peut encore y croire, car certains projets, notamment celui concernant le solaire, ont démarré”, veut espérer Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale française. Mais “après la chute de Ben Ali et celle de Moubarak, elle n'est plus la priorité, elle est en veille”, reconnaît-il aussi. “L'important, c'est le monde arabe qui est en train de bouger profondément”, ajoute-t-il, citant aussi “la Jordanie, la Syrie, la Libye”, dans lesquelles il prévoit “une poussée islamiste”. “L'Egypte est entrée dans un processus de démocratisation. Que va-t-il en sortir, alors que la seule force structurée est celle des Frères musulmans, dont la pénétration dans les classes populaire et moyenne est beaucoup plus profonde qu'on ne le croit”, s'inquiète le député. Plus optimiste, le secrétaire général de la présidence française, Claude Guéant, juge au contraire que “l'UPM est d'autant plus nécessaire” aujourd'hui, que les peuples de la rive sud de la Méditerranée vont voir “de nouveaux gouvernements se mettre en place, et avoir plus de vie démocratique”. Un point de vue partagé par Laurent Wauquiez, ministre français des Affaires européennes. “On n'a jamais eu autant besoin de l'UPM pour mettre en place des projets concrets”, affirme-t-il en citant, outre le plan solaire, la dépollution de la Méditerranée et la formation professionnelle.