C'est dans la joie et la ferveur que les représentants de la société civile algéroise ont célébré la fête du Mawlid En-Nabaoui au mausolée Sidi Abderrahmane at-Thaâlibî. Une absence de taille, celle de Sid Ahmed Seri, suppléée par la présence de Mohammed Kheznadji, Réda Bestandji, Maître Haroun, les représentants de la Fondation Casbah, de l'association Louni Arezki, sans oublier la société musicale El Inchirah, dont la prestation a été fortement appréciée. La place qu'occupe cet espace emblématique est loin d'être fortuite, encore moins hérétique. Saint patron d'Alger, Sidi Abderrahmane Ibn Mohammed Ibn Makhlouf at-Thaâlibî a contribué pleinement à sauvegarder la vitalité et la pérennité de l'enseignement divin. À un moment où la ville d'Alger connaissait une crise spirituelle et sociale inextricable. Il naquit en l'an 1384 dans la région de l'oued Yasser, à quelques 83 kilomètres de la cité d'adoption. Il effectua de nombreux voyages d'études en Orient pour approfondir ses connaissances théologiques et revint à Alger en 1414 où il fut accueilli avec tous les égards par la dynastie régnante, celle des Zianides en l'occurrence. Cadi de l'emblématique médina et spécialiste de l'exégèse coranique, le Saint-homme gratifia ses nombreux adeptes de plusieurs manuscrits consacrés à la théologie, au soufisme et à l'histoire : “Les bons joyaux dans l'interprétation”, “Les lumières éclairantes dans l'union de la Loi et de la Vérité”, “Les jardins des Saints”, “Des vérités sur le soufisme”, “Les nobles sciences dans l'observation des états de l'autre monde”. La vénération pour le Saint-homme n'a point de frontières, tant la sainteté trouve sa genèse dans les versets du Coran et les hadiths : “En vérité, les bien-aimés de Dieu seront à l'abri de toute crainte, et ils ne seront point affligés” ou, plus explicitement : “Quiconque agresse un de mes saints me déclare la guerre.” Alors qu'un autre hadith énonce : “Le Seigneur très haut a honoré la Kaâba et l'a glorifiée, et s'il arrivait un jour qu'une personne la détruise pierre par pierre et la brûle, elle n'aura pas fait autant de mal qu'une personne qui aurait mal traité un saint.” Aux antipodes des affirmations hâtives généralement colportées par quelques esprits chagrins aux sentences approximatives, la vénération des saints occupe une pole position dans la doctrine musulmane. En ce que ces vénérables serviteurs sont des personnes à part entière que Dieu a élues, des êtres qui se sont patiemment affirmés dans la pacification de leur ego, qui accomplirent les actes de piété nuit et jour afin de parvenir à Son amour et à Son agrément. Le prophète Sidna Mohammed (QSSSL) ne disait-il pas à leur propos : “Voulez-vous que je vous parle des personnes qui ne sont ni des prophètes ni des martyrs, mais dont les degrés sont jalousés par ces derniers ? Ceux qui font aimer les serviteurs auprès du Seigneur, et qui font aimer le Seigneur auprès de ses serviteurs, et qui parcourent la terre pour conseiller les créatures.” Pour cheikh Khaled Bentounès, les saints ont légué et lèguent encore à l'humanité de précieux et merveilleux messages de sagesse et d'amour, sans qu'ils soient pour autant élus ou prophètes : “Leur langage, tel un pollen, féconde tous les peuples, ils sont une miséricorde pour les mondes, ouverte à tous sans exception aucune.” Il convient de souligner ici que les conditions de la promotion de Sidi Abderrahmane at-Thaâlibi étaient particulièrement réunies. Sanctifiée par Abû Hamid al-Ghazali, à travers son ouvrage fondamental judicieusement intitulé Ihiya 'ulum ud-dîn (La revivification des sciences religieuses) dans lequel il concilie la philosophie et la théologie la plus orthodoxe avec le soufisme qu'il considère comme le seul moyen de parvenir à la certitude, la pensée chère à Jalâl ud-Dîn Rûmi et à Mohammed Iqbal connaissait alors un essor considérable dans tout l'Occident musulman. A. M. [email protected]