Hier, à la place du 1er-Mai, à Alger, l'on n'a assisté, à vrai dire, qu'à un remake, toutes proportions gardées, de ce que l'on avait déjà vu avenue Bourguiba, à Tunis, ou place Tahrir, au Caire. La Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) peine à mobiliser, diront aujourd'hui ceux qui confondent arithmétique et politique. Certains vont s'appuyer sur cette logique vicieuse et viciée pour décréter définitivement et solennellement qu'Alger n'est ni Tunis ni Le Caire. Si les insuffisances en matière d'encadrement et d'orientation des manifestants étaient bien réelles, il appartiendra à la CNCD, et à elle seule, d'y remédier pour mieux capitaliser le succès politique qu'elle vient d'ajouter à celui du 12 février. En revanche, ceux qui ont péroré sur les différences entre l'Algérie, d'une part, et la Tunisie ou l'égypte, d'autre part, devraient, à leur tour, avoir l'honnêteté intellectuelle de revoir leur copie. Désormais, les similitudes entre ces pays et d'autres encore sont visibles, criantes. Hier, à la place du 1er-Mai, à Alger, l'on n'a assisté, à vrai dire, qu'à un remake, toutes proportions gardées, de ce que l'on avait déjà vu avenue Bourguiba, à Tunis, ou place Tahrir, au Caire : un amalgame de répression policière, plus ou moins féroce, et de sous-traitance de la répression par de jeunes désœuvrés qui, déjà victimes d'une école au rabais et de l'exclusion sociale, se voient fourvoyés par les rentiers du régime dans un processus guerrier de destruction et d'autodestruction. D'Alger à Sanaâ, en passant par Tunis, Tripoli, Le Caire et Manama, le procédé est rodé : les opposants ne peuvent manifester sans être réprimés par la police et agressés et chahutés par des délinquants recrutés et soudoyés pour la circonstance. Il est vrai que Bouteflika et son ministre de l'Intérieur ont pris le soin de désarmer leurs policiers avant de les envoyer au “front”. C'est qu'ils n'ont pas seulement peur de la libre expression des citoyens de leur pays ; ils craignent aussi le regard indiscret des grandes capitales occidentales, de moins en moins complaisantes. Et puis, pour avoir eu un jour l'audace de s'identifier, sans rire, à Jefferson puis, plus tard, celle de rêver à haute voix du prix Nobel de la paix, le chef de l'état algérien ne peut assumer ni la même excentricité qu'un Kadhafi ni la même répression meurtrière sévissant en Libye. Mais, même ainsi ramolli, le pouvoir d'Alger n'a pas manqué de trahir sa profonde nature : violente et liberticide. Hier, un député a été évacué inconscient à l'hôpital suite à une charge policière d'une extrême violence. Ses blessures, très graves, avaient fait craindre le pire pendant des heures. Non, l'Algérie n'est pas différente de la Tunisie ou de l'égypte. Alger est dans la “norme arabe” et le régime de Bouteflika est tout à la fois celui de Ben Ali, de Moubarak et de Abdallah Salah. La question est grave mais il faut la poser, à titre préventif : recourra-t-on aux snipers, à la place du 1er-Mai, le moment venu ?