Après une semaine de projections, de rencontres thématiques, de fêtes et de partage, le jury de la vingt-septième édition du Fifa de Mons, a rendu, avant-hier soir, son verdict. The Christening de Marcin Wrona (Pologne) a décroché le Grand Prix. De notre envoyée spéciale à Mons Sara Kharfi Le rythme était soutenu. Les films venaient de différents horizons. Les regards se croisaient, convergeaient et divergeaient. Certains plaidaient pour un cinéma européen, d'autres aspiraient seulement à raconter une histoire. Une histoire simple et troublante de banalité mais qui rendaient compte, de la plus belle des manières, de la réalité sociale d'un pays, de l'aspiration d'une génération, et par-dessus tout, du plaisir, du bonheur de faire du cinéma. La sincérité était le véritable point en commun entre les films proposé lors de cette vingt-septième édition du Festival international du film d'amour de Mons. C'est l'ingrédient secret de la réussite, la seule prétention du cinéma. Si “la grande passion des femmes est d'inspirer l'amour”, la grande passion du cinéma serait d'inspirer la vie. Voire d'insuffler la vie et de raconter le présent. Un présent pas toujours tout rose, pas vraiment renversant, pas nécessairement spectaculaire ou hors du commun. Les cinéastes n'avaient aucune mission, sinon de nous installer dans leurs univers avec un bon scénario et des personnages qui nous ressemblent dans leurs grandeurs, leurs bassesses, leurs problèmes, leurs doutes, leurs rêves. Les personnages sont des héros d'aujourd'hui, en proie à des problèmes sociaux et familiaux, mais qui n'aspirent pas toujours à devenir des héros. Certains comme Ulrik, le personnage central de A somewhat gentleman de Hans Petter Moland (Norvège) se contente d'observer le monde qu'il retrouve à sa sortie de prison. Toutefois, Ulrik essaie de s'intégrer à nouveau dans sa société, non sans peine et difficultés. Les situations sont souvent absurdes et décapantes, et l'humour noir vient souvent à la rescousse des personnages de A somewhat gentleman. D'autres, comme les personnages de The Christening de Marcin Wrona – Grand Prix du festival, prix Belgacom (qui permet au film d'être distribué par cette société) et prix du scénario –, cherchent la rédemption et pensent que le meilleur moyen d'y parvenir serait la rédemption. Lin, le personnage principal de Chongqing Blues pense, quant à lui, que la rédemption passe par la découverte de ce qu'était son fils décédé, qu'il a abandonné lorsqu'il était enfant. D'autres réalisateurs ont tout bonnement réfléchi sur l'Europe d'aujourd'hui, le désarroi et le sentiment d'incomplétude qui frappent ses habitants, les différences qu'il y a entre les pays de cette même Europe, les retombées de la crise financière ou encore le désenchantement des générations. Le cinéma européen entre doute et existentialisme En effet, dans Europolis, premier long-métrage du réalisateur roumain Cornel Gheorghita, le thème central qui semble se dégager du film serait la mort et les croyances qui y sont liées. Mais au fur et à mesure que l'intrigue avance, que les personnages évoluent, on constate que le fond politique du film est beaucoup plus important même si l'histoire reste centrée sur deux personnages : une mère et son fils. Le véritable thème de la fiction (très bien maquillé) est les différences qu'il y a entre les pays d'Europe, sur le plan économique et social, notamment la pauvreté. Dreamers de la réalisatrice tchèque Jitka Rudolfova évoque le désenchantement d'un groupe de trentenaires insatisfaits de ce qu'ils sont devenus et des schémas dans lesquels ils s'enferment. “Je suis malheureuse avec mon mari mais je reste avec lui parce qu'on a deux enfants”, “il me fait souffrir mais je ne peux pas le quitter parce qu'il me connaît bien et je le connais très bien moi aussi”, “je suis bien tout seul avec mes petites habitudes”, “je ne fais que des bêtises et je veux que ça s'arrête”, etc. Ce sont là les quelques phrases récurrentes de ce film qui raconte l'échec avec une belle sensibilité. Tout comme A somewhat gentleman, Sebbe de Babak Najafi (Suède) nous aide à mieux comprendre le fonctionnement de la société scandinave. On connaît mal ces sociétés et on les enferme souvent dans des clichés et autres représentations fausses, erronées et souvent injustes. Ceux qui affirment que les Scandinaves sont calmes et sereins, n'ont pas très bien lu (ou jamais lu), Henning Mankell (Suède), Jo Nesbo (Norvège) ou Arnaldur Indridason (Islande). La crudité des situations se confond souvent avec l'absurdité du monde et la crise mystico-existentielle que traversent les individus. Alors que Rodrigo Rodero (Espagne), dans El Idioma imposible, prix Fedeora du meilleur premier film européen au Fifa, brosse le portrait d'une génération assaillie par le doute dans un contexte postfranquiste, et que Frédéric Sojcher (France) propose avec Hitler à Hollywood, un plaidoyer pour le cinéma européen qui oscille entre fiction et documentaire, les Américains – encore une fois ! – réussissent à nous en mettre plein la vue avec des films d'auteurs qui misent tout sur le comédien, au centre de la plupart des fictions : Black Swan de Darren Aronofsky, Blue Valentine de Derek Cianfrance ou encore The Fighter de David O. Russell. En outre, le Festival du film d'amour de Mons a proposé une belle sélection de films, qui parlent d'amour mais aussi du monde dans lequel cet amour naît, vit, grandit, survit et meurt. Des amours déçues, des amours blessées. Notre conception de l'amour toujours se voit ainsi bouleversée parce que le monde est injuste ; parce qu'il est absurde et n'a aucune pitié pour les belles âmes amoureuses. Mais ce qu'on retiendra de tout ce qu'on a vu à Mons est que la véritable vocation du cinéma est de raconter des histoires, avec un minimum de sincérité et sans aucune autre prétention.