Le premier intérêt du panel portant sur le développement du secteur privé, auquel j'ai été convié le 24 février 2011 dans les locaux du quotidien Liberté, aura été de porter exclusivement sur les conditions d'une émergence plus forte des entreprises privées en Algérie. Mais cela n'était pas une raison, de mon point de vue, de considérer que l'entreprise publique a épuisé son rôle comme ont semblé le suggérer certains membres du panel en décrétant sa fin comme vecteur daté de création de richesses dans les pays émergents.Pour prolonger le débat qui a été ouvert je privilégie pour ma part une démarche plus féconde et moins connotée idéologiquement : celle de la démarche industrielle ; celle-la même que le «think-tank» organisateur du panel a introduit lui-même dans son texte fondateur. Citons pour plus de clarté la phrase concernée : «intégrer les préoccupations micro-économiques dans les démarches des politiques publiques en privilégiant les actions à mener dans le domaine de l'économie industrielle». Pour ce faire je propose d'examiner trois filières industrielles en cours d'émergence et qui peuvent participer à la ré industrialisation du pays : la filière automobile, la filière de la pétrochimie et de la plasturgie et celle des énergies nouvelles et renouvelables. Ainsi j'examinerai sous quelles conditions les trois alternatives proposées dans les communications de panélistes sont finalement solubles dans le processus concret de développement de ces trois filières. Je rappelle que les alternatives soumises à débat ont été les suivantes : substitution aux importations ou exportation, secteur public ou secteur privé, PME ou grands groupes. Déclinons respectivement ces alternatives à travers les filières industrielles en question. Dans le cas de l'automobile les accords de libre échange en vigueur et les alliances en cours de constitution avec les grands groupes internationaux (Renault, Volkswagen) rendent simultanément possible la substitution aux importations et l'exportation d'une partie des véhicules qui seront produits. L'augmentation de la production du projet en partenariat de SNVI avec Renault à 100000 véhicules est significative de ce point de vue là. S'agissant de la question de savoir si le secteur public économique a encore un rôle à jouer dans la mise en place d'un segment de cette industrie, je persiste et je signe : ma réponse est oui. En effet la SNVI, quels que soient par ailleurs les déficits technologiques et managériaux avancés par certains, est en mesure de fédérer les 50 ou plus entreprises privées et publiques sous- traitantes avec lesquelles elle a bâti des relations de confiance depuis deux décennies au moins pour construire en partenariat des véhicules algériens. Le groupe public SNVI, dont le capital social pourrait être ouvert à des investisseurs locaux, est en mesure d'être un ensemblier et un donneur d'ordres pour des sous traitants déjà organisés dans une des plus anciennes associations professionnelles. Il n'y a pas d'antinomie mais synergie entre l'existence de grands groupes, y compris publics, et des PME accompagnées et mises à niveau. Cela ne devra évidemment pas exclure les initiatives totalement privées dans ce domaine que les pouvoirs publics devraient également soutenir. Dans le cas de la plasturgie, la spécificité de cette filière fait qu'en règle générale les produits sont fabriqués localement pour des questions de volumes importants à transporter donc coûteux. C'est la même chose d'ailleurs pour le ciment qui est généralement fabriqué dans les pays consommateurs eux-mêmes car son transport est pondéreux donc coûteux. L'alternative « substitution aux importations ou exportation » ne se pose donc pas. De plus la taille d'une offre existante sous utilisée pour le moment (150 000t) et une demande émergente forte générée notamment par les deux autres filières dont il est question dans cette chronique mais aussi par celles de l'agroalimentaire (emballage) et du BTPH structurent déjà un marché solvable. Mais la vraie question pour cette filière, largement dominée par le secteur privée est ailleurs que dans l'effet d'éviction du secteur public supposé par certains. Elle réside dans le fait qu'elle n'a jamais bénéficié, depuis la libération des prix des années 90, des externalités positives d'intrants à prix réduits produits par les complexes pétrochimiques bénéficiant en amont d'un prix de gaz naturel et de GPL subventionnés. De façon plus directe il faudrait que soient satisfaites les demandes formulées lors des Assises de l'industrie par les acteurs de la filière plasturgie (« gazelles ou souris »). Il s'agit pour eux de bénéficier, par un mécanisme induit de prix appropriés, des subventions accordées par l'Etat en matière de prix du gaz naturel, d'éthane, de propane et de butane aux grands groupes pétrochimiques («éléphants») produisant les intrants dont ils ont besoin : éthylène, polyéthylène haute et basse densité, butadiène, propylène et polypropylène notamment. Enfin la filière des énergies renouvelables qui est à construire à moyen et long terme est également une opportunité historique offerte aux entreprises algériennes. D'abord il s'agit de tirer les enseignements des échecs passés dans le secteur des hydrocarbures s'agissant de l'incapacité à mettre en place un engineering et une industrie de biens d'équipements pétroliers et de composants. Les groupes publics énergétiques et industriels comme la Sonelgaz et la Sonatrach, associées à des groupes privés locaux devront être les locomotives («éléphants») en mesure de décomposer avec leurs partenaires étrangers les projets inscrits au programme afin d'y inclure progressivement les biens et services produits localement. Mais en conclusion ma conviction est que le développement du secteur privé sera d'autant plus robuste et plus rapide que les obstacles en matière d'accès aux facteurs de production soient effectivement levés et que les divers canaux de rente soient progressivement fermés. Cela devrait être à coup sur l'une des exigences démocratique du moment.