Branle-bas diplomatique pour la crise libyenne. Fidèle à elle-même, la Ligue arabe a repassé le bébé à l'ONU, après avoir constaté de nouveau son inefficacité et ses divisions même pour alléger les souffrances de l'un de ses peuples en danger militaire et humanitaire. Un émissaire de l'ONU pour la Libye, le Jordanien Abdel Ilah Khatib, sera à Tripoli ce lundi. Il a la consigne de transmettre au leader libyen, en “termes clairs”, l'inquiétude des Nations unies et de la communauté internationale, a indiqué le secrétaire général de l'organisation Ban Ki-moon. Dans le même temps, la secrétaire d'Etat américaine sera à Tunis et en Egypte, premières victoires du printemps arabe. Il sera également question de la Libye, en sandwich entre les révolutions du jasmin et du Nil. La haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité devait rencontrer, dimanche, le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa pour discuter de la situation en Libye et dans la région d'Afrique du Nord. Mme Catherine Ashton a souligné l'importance d'une approche collaboratrice avec la Ligue arabe qui s'est prononcée, samedi, pour l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, se déclarant disposée “à coopérer” avec le Conseil national de transition libyen, après avoir gelé les activités de la représentation d'El-Gueddafi. Pas assez, a rétorqué la résistance libyenne. La Ligue arabe s'est, en effet, contentée du minimum en invitant le Conseil de sécurité de l'ONU à mettre en place un blocus aérien pour “protéger le peuple libyen”. Elle n'a fait que reprendre à son compte les décisions des Européens, y compris la reconnaissance du Conseil national de transition libyen comme un interlocuteur légitime, mais pas pour autant son seul interlocuteur en Libye. Pas un mot, dans le syndicat des chefs d'Etat arabes, sur les exactions du colonel El-Gueddafi et de ses enfants, relevant de la Cour pénale internationale, qui en est saisie par ailleurs. Selon différentes sources diplomatiques, les travaux des 21 ministres des Affaires étrangères arabes, réunis au Caire, se sont déroulés dans un climat électrique. Selon des sources qui n'ont pas été infirmées, les représentants d'Alger et de Damas n'auraient pas approuvé la stigmatisation d'El-Gueddafi, mais la Ligue est passée outre, d'autant que la résolution prônée par Amr Moussa, candidat à la présidentielle en Egypte post-Moubarak, a été soutenue par les pays du Golfe. Et puis, 250 000 personnes ont fui déjà de Libye et plus d'un millier de civils ont été tués depuis le 15 février. À l'évidence, la communauté internationale ne parvient pas encore à accorder ses violons sur le coup de grâce à porter à la dictature libyenne. La déclaration du ministre américain de la Défense Robert Gates, selon laquelle la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne sur les quelque 1,8 million de km2 du territoire libyen était techniquement possible, mais qu'il n'était pas convaincu qu'une telle décision serait sage, signifie bien ce qu'elle signifie. À vrai dire, on a l'impression que Washington traîne la patte. Certainement que les révolutions arabes vont trop vite et qu'elles menacent aujourd'hui les producteurs de pétrole. Auxquelles s'ajoutent les propos de Janos Martonyi, ministre hongrois des Affaires étrangères, dont le pays assume la présidence tournante de l'UE, qui a souligné que toute action militaire éventuelle en Libye, telle que la mise en place d'une zone d'interdiction aérienne, devrait être menée sous des conditions strictes, explicitant que le soutien des pays arabes de la région obtenu, il restait une autre condition préalable : un fondement légal clair permettant de justifier une telle “action militaire” et qui signifie une résolution du Conseil de sécurité. En attendant, la guerre civile fait rage dans ce pays.