De violents affrontements entre les jeunes manifestants et la brigade antiémeutes ont éclaté mardi soir et se sont poursuivis jusqu'à hier, faisant plusieurs blessés. Tout semble calme en cette matinée de mercredi, au lendemain d'une nuit d'émeutes qui a embrasé le quartier de Diar El-Mahçoul, dans la commune d'El-Madania (ex-Salembier), à Alger. Hormis les résidus des pneus brûlés et les gravats qui jonchent encore les rues, rien n'indique que ce quartier était le théâtre d'une nuit d'affrontements. Une nuit où des jeunes sont sortis pour exprimer leur ras-le-bol et réclamer leur “droit au relogement”. Les heurts entre les manifestants et la brigade antiémeutes ont débuté mardi soir vers 19 heures et se sont poursuivis jusqu'à hier, enregistrant des dizaines de blessés. L'odeur du gaz lacrymogène imprégnait encore les cages d'escalier des immeubles. Selon les citoyens rencontrés hier sur place, des bombes lacrymogènes ont été tirées sans discernement et certaines ont atterri même à l'intérieur d'appartements riverains, comme ce fut le cas du domicile sis au bâtiment 10 escalier 4. Cet appartement portait encore les traces de la bombe qui a traversé la fenêtre, brûlant sur son passage le rideau ainsi qu'une couette qui couvrait un jeune homme dans son sommeil. “Il était environ minuit, soudain une odeur inhabituelle m'a réveillé et j'ai trouvé la bombe juste devant le lit. Nous avons passé toute la nuit à l'hôpital Mustapha-Pacha car certains membres de ma famille sont asthmatiques”, déplore le propriétaire du domicile. Les jeunes de la cité Diar El-Mahçoul ne décolèrent toujours pas et menacent de rééditer leur manifestation. “à ce stade, nous n'avons plus rien à perdre, maintenant ils (les responsables) nous poussent à être violents pour faire valoir nos droits”, disent-ils. Et d'ajouter : “Nous ne voulons plus de promesses, mais des solutions. Cela fait trop longtemps qu'on vit dans ces cages à poules.” Vers 12 heures, plusieurs dizaines de jeunes manifestants ont bloqué la route menant de la cité Diar El-Mahçoul vers l'accès principal de l'office Ryadh-El-Feth. Les troupes antiémeutes se sont installées du côté de l'entrée du monument des Martyrs. Surpris, les contestataires qui n'ont pas apprécié leur présence, ont commencé à scander des slogans hostiles à la police. Quelques minutes plus tard, un groupe de jeunes poussant une benne à ordures défoncent les barrières métalliques séparant la chaussée du trottoir. Dans la foulée, une voiture a été incendiée comme en témoigne sa carcasse qui, hier encore, était sur les lieux. Une pluie de pierres et de débris de verre s'abat sur les brigades antiémeutes pendant que de nombreux curieux étaient rassemblés en masse, en contre-bas de la cité. Les policiers ripostent à leur tour avec des jets de pierres, tentant de disperser les émeutiers. C'est la panique. Tout le monde court se réfugier dans les cages d'escalier et les terrasses des immeubles. “Ils nous attaquent”, crie une voix parmi la foule. Il n'est plus question de faire marche arrière. Les éléments antiémeutes avancent et les jets de pierres se font de plus en plus intenses et violents. Les émeutiers reculent mais ne cèdent pas. De temps à autre, des moments de “trêve” s'imposent avant que les jets de pierres ne reprennent. La route est jonchée de pierres et de morceaux de verre. On déplore plusieurs blessés dans les deux camps. Cette fois, l'attaque ne tarde pas. Puis vint encore un autre moment de calme. Une fumée sombre se dégage et se propage dans l'air. Les mêmes scènes ont continué durant tout l'après-midi, donnant naissance à un sentiment de colère mêlé de panique et de peur chez les émeutiers. Au moment où nous mettons sous presse, le quartier de Diar El-Mahçoul vit encore des échauffourées entrecoupées de brefs instants de calme.