Les pays de l'Otan ont trouvé un compromis laborieux jeudi soir sur la Libye qui va les voir prendre le relais de la coalition pour y imposer une zone d'exclusion aérienne, mais pas encore pour les frappes au sol, toujours objet de controverse. La place exacte appelée à être jouée par l'Alliance atlantique dans l'intervention militaire déclenchée le 19 mars contre le régime de Mouammar Kadhafi, est l'objet d'âpres négociations depuis plusieurs jours, notamment avec la Turquie, opposée aux bombardements. L'offensive a été lancée à l'initiative de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, rejoints par une coalition de pays volontaires, y compris arabes. Mais les Etats-Unis et plusieurs autres pays, Turquie en tête, insistent pour que la responsabilité militaire totale de l'opération passe le plus rapidement possible sous pavillon de l'Otan, ce que la France voit d'un mauvais œil de crainte de s'aliéner l'opinion arabe. Et parce qu'elle veut garder une marge de manœuvre sur le terrain. Une solution provisoire a été trouvée jeudi soir au siège bruxellois de l'Alliance atlantique entre les représentants des 28 pays membres : la poire sera coupée en deux. “Nous avons décidé de mettre en œuvre la zone d'interdiction de survol au-dessus de la Libye”, a déclaré le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen. L'Alliance, qui s'occupe aussi de l'embargo maritime, devrait se charger de cette mission supplémentaire dans un délai de deux à trois jours. Un accord n'a pu être trouvé à ce stade pour que l'Alliance atlantique prenne sous sa responsabilité l'intégralité de la mission actuelle des forces de la coalition internationale, qui continue donc à s'occuper des frappes au sol contre des cibles libyennes menaçant les populations civiles, telles que des blindés ou des équipements militaires. “En l'état actuel, vont subsister une opération de la coalition et une opération de l'Otan”, a reconnu M. Rasmussen. Le Danois a néanmoins indiqué que les discussions entre pays de l'Otan se poursuivaient pour “élargir” le mandat de l'Alliance aux missions encore dévolues à la coalition, telles que les frappes au sol. Côté français en revanche, on continue à minimiser l'importance de l'Alliance atlantique. “Chacun doit comprendre que la coordination doit rester éminemment politique, même si elle reposera sur la machinerie de l'Otan”, car des pays arabes non membres de l'Alliance participent à l'intervention en Libye, a indiqué jeudi soir le président français Nicolas Sarkozy lors d'un sommet européen à Bruxelles. Paris insiste sur le fait que le pilotage “politique” de l'intervention est confié, comme déjà annoncé, à un forum des pays membres de la coalition, distinct de l'Alliance atlantique. Une première réunion est prévue dès mardi à Londres. En parallèle, les dirigeants des pays européens se sont dits prêts à renforcer leurs sanctions contre le régime du colonel Kadhafi en le privant de tous revenus pétroliers et gaziers, pour qu'il ne puisse plus recruter de mercenaires. Et ils ont appelé l'ONU à endosser cette mesure.