Dans les mesures décidées en Conseil des ministres, le 22 février dernier, le foncier industriel, l'emploi et le financement sont les trois volets qui intéressent directement l'entreprise. Des mesures consistantes par l'ampleur des ressources financières que l'Etat va y consacrer. Mais leurs effets sur l'entreprise seront limités. Car elles ne sont pas inscrites dans une vision, un projet ou une stratégie bien définie. De plus, elles n'ont fait l'objet d'aucune concertation avec les entreprises. Une démarche alternative est possible pour obtenir des résultats féconds. Le think tank en trace les grandes lignes ci-dessous. Les nouvelles mesures peuvent être qualifiées de “grande avancée” par rapport au dispositif mis en place en 2007/08. Cependant, ces mesures risquent de rencontrer des contraintes certaines dans leur mise en œuvre. En effet, la procédure du gré à gré, dans le contexte de l'administration locale algérienne, caractérisé par des processus décisionnels longs et inefficaces, n'assurant ni la transparence ni la technicité pour apprécier objectivement des demandes d'assiettes foncières, risque de conduire à une inefficacité systémique. Le gré à gré risque ainsi de reproduire le système de l'attribution du foncier par l'administration avec toutes ses perversions induites par les pouvoirs discrétionnaires des administrations ; et cela, même si l'organe d'attribution, le Calpiref, devrait compter en son sein des représentants des investisseurs. Ainsi, le problème de l'accès au foncier industriel est d'abord un problème de gouvernance publique. La gestion de la pénurie reste la règle L'accès au foncier appelle aussi des formules novatrices pour les industries à fort contenu technologique et destinées à l'exportation. La tendance mondiale est de créer des plateformes industrielles qui maximisent les avantages de la chaîne logistique. Ces zones, situées autour des grands axes de communication et de grands ports, sont destinées à accueillir aussi bien des entreprises nationales qu'étrangères qui créent entre elles des synergies indispensables dans la compétition mondiale. Ainsi, des surfaces industrielles devraient être dégagées autour de l'autoroute Est-Ouest et de celles projetées, ainsi qu'autour de grands ports en eau profonde à construire au centre, à l'est et à l'ouest du pays. À cet égard, l'annonce de création de nouvelles zones industrielles de 4 000 hectares paraît bien timide lorsque l'on sait qu'une seule zone aéroportuaire moyenne fait déjà cette surface, comme c'est le cas de Tanger-Med chez nos voisins de l'ouest qui en fait 5 000 ! La création d'emplois durables devra passer nécessairement par des entreprises viables. Le volet “emploi” des mesures gouvernementales annonce des dispositions qui sont davantage destinées à répondre aux attentes des jeunes chômeurs plutôt qu'aux demandes des entreprises pour faciliter la création d'emplois durables. La plupart des mesures décidées concernent, en effet, le renforcement des dispositifs Ansej et Cnac. Du reste, ce renforcement aura peu d'impact sur la résorption du chômage des jeunes ; car il vient en contradiction avec le principe universellement admis et prouvé : responsabiliser le jeune promoteur dans la prise de risque pour en faire un vrai entrepreneur. Or, le dispositif décidé va en contradiction directe avec ce principe en accordant des conditions de crédits extrêmement généreuses et réduisant l'apport personnel à quasiment zéro ! Dans ces conditions, il est prévisible que peu de jeunes promoteurs attirés par ce nouveau dispositif puissent créer des entreprises viables. À cet égard, il est surprenant que le gouvernement n'ait pas songé, à la faveur de ces mesures, à lever les freins qui s'opposent à la mise en place d'institutions de microfinance (IMF) ; alors même que c'est là une stratégie particulièrement efficace pour combattre la pauvreté et promouvoir solidement la micro-entreprise. Mais la vraie réponse aux problèmes du chômage passe nécessairement par l'entreprise. Et plus précisément par la croissance. Pour l'Algérie, la croissance passe précisément par l'augmentation du nombre d'entreprises. Mais des entreprises capables d'être de vraies locomotives de l'économie. Or, notre pays se caractérise encore par un nombre trop faible d'entreprises. Nous sommes à moins de 10 entreprises pour 1 000 habitants alors que le standard minimal est de 50 entreprises. Augmenter le nombre d'entreprises c'est lever un certain nombre d'obstacles qui se dressent devant leur création et leur développement. Concernant plus précisément l'emploi, il faut agir sur le marché du travail dans deux directions majeures pour pouvoir recruter davantage : améliorer la qualification de la main-d'œuvre et introduire davantage de flexibilité dans les relations de travail. Il s'agit donc de s'attaquer sérieusement à la question centrale de l'adaptation de l'offre de formation à la demande des entreprises. Il s'agit aussi d'introduire des mécanismes de gestion des relations de travail qui préservent la compétitivité des entreprises en s'écartant résolument de la vision “sociale” de la question. Ce sont là deux chantiers cruciaux pour le développement économique de notre pays. Il faut les engager le plus vite possible ! Le financement par le seul crédit n'est pas une réponse satisfaisante aux besoins des entreprises. Les dernières décisions prises par le gouvernement pour appuyer le financement des entreprises comportent des avancées certaines. Il faut saluer, en effet, les multiples abattements destinés à encourager la création d'entreprises. Toutefois, ces mesures recèlent des insuffisances criantes qu'il faudra très rapidement corriger sous peine de limiter grandement leur impact. En premier lieu, on voit se profiler à travers ces mesures une doctrine en matière de création d'entreprises : les pouvoirs publics s'orientant de plus en plus à faire financer par les fonds publics les porteurs de projets. Alors que les modes de financement les plus efficaces devraient reposer non seulement sur le crédit mais sur des modes de financement mieux adaptés au développement de l'entreprise. En particulier, il faut faire appel à un secteur privé financier dynamique, composé de multiples banques d'affaires et sociétés à capital-risque qui finance aussi bien les start-up que tout autre projet porteur. Certes, ce choix vers le financement par des fonds publics existe dans de nombreux pays (surtout en Scandinavie). Il comporte, cependant, de grands risques : le faible niveau de compétence des différentes administrations impliquées dans le processus qui est patent en Algérie. Par ailleurs, ces mesures posent trois autres problèmes fondamentaux. En premier lieu, les mesures s'adressent essentiellement à la création de nouvelles entreprises, alors que le tissu existant de quelque 420 000 PME/PMI est le grand oublié de ce dispositif. Or, c'est dans les entités existantes que réside le plus grand potentiel de création de richesses, d'emplois et de capacités à l'exportation. En second lieu, les mesures se contentent d'une injection de fonds sans profondeur stratégique et sans ingénierie administrative. Les pays réussissent rarement un tel processus par le seul fait d'injecter des ressources financières. Le dispositif essentiel repose surtout sur les pépinières et les incubateurs. Nous aurons donc besoin de former des experts en création d'entreprise et les mettre dans des institutions spécialisées pour créer et développer des micro-entreprises ou des TPE. En troisième lieu, nous aurons besoin aussi d'un processus de développement plus décentralisé (plans de développement régionaux et locaux) et mettre des pépinières dans des universités, centres de formation professionnelle, APC, etc. (*) membres du comité exécutif du think tank