La quarantaine de pays et organisations réunis à Londres pour envisager l'après-Kadhafi en Libye a affiché une belle unanimité sur au moins un point : le dictateur doit partir ! La coalition a décidé de la création d'un “groupe de contact” composé d'une vingtaine de pays et chargé du pilotage politique et humanitaire de l'intervention en Libye. Une première réunion de ce groupe devrait avoir lieu incessamment au Qatar. Mais, si le départ de Kadhafi semble faire l'unanimité parmi les présents à la conférence, on ne peut pas en dire autant de la manière de l'obtenir, au moment où son armée résiste et freine la progression des insurgés. Paris et Washington ont évoqué, chacun de son côté, un armement des insurgés pour l'y contraindre. Peu avant dans la journée, à Londres, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, avait déclaré que la France était prête à discuter d'une aide militaire aux insurgés, reconnaissant toutefois qu'une telle aide n'est pas prévue par la résolution 1973 de l'ONU et la résolution précédente instaurant un embargo sur les armes contre la Libye. Ce point divise la coalition et nombre de pays estiment que pour armer l'opposition à Kadhafi, il faudrait passer par l'adoption, à l'ONU, de dispositions complémentaires, sachant que la Russie et/ou la Chine n'hésiteraient probablement pas, cette fois, à user du droit de veto. Par contre, la poursuite des opérations militaires jusqu'à ce que le dictateur libyen se plie aux dispositions de la résolution de l'ONU est confirmée. Concernant le sort personnel de ce dernier, c'est l'Italie qui a fait une proposition qui n'a rencontré aucune opposition notable. Il s'agirait de permettre à Kadhafi de s'exiler dans un pays de son choix, qui serait prêt à l'accueillir, si toutefois il décrète et fait respecter immédiatement un cessez-le-feu et met un terme aux attaques contre les civils. Selon Rome, seule l'Union africaine serait à même de le convaincre. Le Premier ministre du Qatar a, de son côté, exhorté le colonel libyen à renoncer au pouvoir pour éviter un bain de sang, ajoutant qu'il ne disposait que de quelques jours pour négocier sa sortie. La dernière visite du ministre libyen des Affaires étrangères à Tunis s'inscrirait-elle dans le cadre d'une telle option ? Si rien ne permet de l'affirmer, rien n'autorise non plus à l'exclure. Par ailleurs, les dirigeants des pays occidentaux se sont dit prêts à renforcer les sanctions contre le régime libyen pour le priver de ses revenus pétroliers, après avoir gelé plusieurs milliards d'euros de ses avoirs à l'étranger. A contrario, le Qatar s'est dit disposé à prendre en charge la commercialisation du pétrole produit dans les zones contrôlées par les insurgés. Cette production, évaluée entre 100 000 et 130 000 barils par jour, pourrait passer à 300 000 barils dans deux semaines. Les dividendes qui en résulteraient serviraient, entre autres, à financer l'aide humanitaire. Le chef du Conseil national de transition, Moustapha Abdeljalil, et son chargé des Affaires internationales, Mahmoud Jibril, le premier depuis Benghazi et le second à Londres même, ont tenté de donner des gages aux pays coalisés en promettant, s'ils venaient à présider aux destinées de la Libye, une Constitution démocratique, des élections libres, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une presse libérée, la protection des intérêts étrangers en Libye et une coopération soutenue dans la gestion des flux migratoires vers l'Europe. Seul bémol à ce sujet, le Pentagone fait preuve de méfiance et affirme ne rien savoir des insurgés et du CNT. De plus, selon l'amiral américain James Stavridis, commandant suprême des forces alliées en Europe, des services de renseignements évoquent la présence d'Al Qaïda ou du Hezbollah libanais parmi les insurgés libyens, même si rien ne permet d'apprécier l'importance de cette présence ni l'étendue de son éventuelle influence. M. A. Boumendil