Le tribunal criminel près la cour d'Annaba a condamné, avant-hier, trois hommes à 10 années de réclusion criminelle pour espionnage au profit d'un Etat tiers, en l'occurrence la France, et une femme à 6 mois de prison ferme pour complicité et non-dénonciation de crime. Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public a requis la peine capitale contre les quatre mis en cause, B. K., 41 ans, sans profession, H. R., 29 ans, journalier, tous deux résidant à Besbès, une localité enclavée distante de 60 km à l'ouest du chef-lieu de wilaya d'El-Tarf, O. N., 44 ans, T. S. en informatique résidant à Souk-Ahras et H. S., 32 ans, femme au foyer résidant à Besbès, poursuivis pour trahison et soutien à un groupe terroriste, selon l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation. L'affaire remonte au 12 juillet 2009. Ce jour-là, B. K. se présente à la sûreté de wilaya d'El-Tarf pour se dénoncer et avoue avoir été “recruté par les services de renseignements français”. Selon ses dires, ce qui l'avait amené à se dénoncer était l'évocation par des journaux algériens de l'affaire de l'assassinat des moines de Tibhirine et ses déclarations à P. M., le vice-consul de France à Annaba. Déclarations qui mettaient en cause des éléments de l'ANP comme ayant été les auteurs de cet assassinat. B. K., qui dit fournir des renseignements à ce vice-consul, a aussi dénoncé ses “complices”, son oncle O. N. et H. R., recrutés en janvier 2006, selon lui. Une première rencontre avait eu lieu durant le même mois entre H. R., B. K. et P. M. dans un café à Ben-M'hidi (El-Tarf). Le deal conclu stipulait que les 2 Algériens s'engageaient à fournir “tout renseignement utile” contre un visa et une résidence permanente en France. Les deux Algériens, ex-militaires, remirent au Français leurs photos où ils apparaissaient en uniforme de l'ANP. À partir de cette date, ils fournissaient les renseignements demandés par le vice-consul. Ainsi, tous les sites sensibles ayant trait à la sécurité du pays ont été photographiés : présidence de la République, ministère de la Défense nationale, ministère de la Communication, la direction générale de la Sûreté nationale, le pénitencier Serkadji, les sièges de la IVe et Ve Régions militaires, la caserne des troupes aéroportées de Biskra, le cantonnement militaire d'El-Allelik (Annaba), le réacteur nucléaire de Aïn Ousséra, la caserne du groupe d'intervention rapide (GIR) d'El-Hadjar (Annaba) et le centre de formation administrative de Guelma. À quel usage étaient destinés les renseignements demandés ? Ces renseignements fournis, le vice-consul a donné instruction à ses recrues de collecter des informations précises sur l'un des hommes de la garde rapprochée du président de la République et de lui transmettre de nouvelles photos sur le siège de la présidence de la République. Les débats au cours du procès n'auront pas éclairé sur l'usage précis que les services consulaires français comptaient faire de ces renseignements. Au demeurant, le consul de France à Annaba avait, dans une déclaration à Liberté en juillet 2009, nié toute implication de ses services dans cette affaire. Lors du procès, les accusés ont avoué qu'ils recevaient en contrepartie des sommes d'argent qu'ils se partageaient entre eux et n'excédaient pas les 40 000 DA. Une autre mission fut confiée plus tard au groupe: elle consistait en la collecte de renseignements sur un ressortissant russe travaillant pour le compte du ministère de la Défense nationale à la caserne El-Allelik, mission dont les espions algériens s'acquittèrent. H. S, la fiancée de O. N. était au courant des activités de son futur mari et ne l'avait pas dénoncé. D'autres missions avaient été confiées au groupe en 2007, entre autres, des photos de la raffinerie de Skikda, les casernes de Skikda, les barrages fixes établis sur les routes de cette wilaya ainsi que la caserne de Souk-Ahras et surtout des photos de la résidence de Djenane El-Mithaq, à Alger. À Constantine, c'est le commandement régional de la Gendarmerie nationale qui avait été photographié avant que les espions ne soient instruits de s'intéresser à la première brigade blindée de Tlaghma, dont tout le périmètre fut mitraillé par les appareils photo. Le 1er juin 2009, O. N. a informé de cette situation son frère qui est policier, celui-ci l'emmena au siège de la sûreté de daïra de Besbès pour faire des déclarations sur ce sujet mais les policiers de service n'avaient pas pris au sérieux lesdites déclarations. Et ce n'est que le 12 juillet 2009, suite aux déclarations de B. K. qu'une enquête a été déclenchée. B. BADIS